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Robuste
Entretien avec Déborah Lukumuena
Son beau jeu nuancé parcourait déjà Divines de Houda Benyamina, pour lequel elle a décroché le César du meilleur second rôle en 2017. Cette année est celle de la confirmation pour Déborah Lukumuena. La preuve : elle tient tête à Gérard Depardieu dans Robuste. Rencontre.
Son beau jeu nuancé parcourait déjà Divines de Houda Benyamina, pour lequel elle a décroché le César du meilleur second rôle en 2017. Cette année est celle de la confirmation pour Déborah Lukumuena. La preuve : elle tient tête à Gérard Depardieu dans Robuste. Rencontre.
Pour son premier long métrage, la réalisatrice Constance Meyer filme la rencontre presque féerique entre l’immense Gérard Depardieu et la révélation Déborah Lukumuena. Elle campe une jeune agente de sécurité, Aïssa, chargée d’accompagner une star de cinéma vieillissante, Georges, véritable double de fiction de l’acteur. De cette collision résulte un long métrage sensible et poétique sur la solitude, construit par touches impressionnistes.
Vous qualifiez souvent le film « d’inclassable ». À quoi cela tient-il ?
Déborah Lukumuena : Ce n’est ni une histoire d’amour, ni une histoire d’amitié, ni une relation haineuse. Le film survole plusieurs genres, sans qu’ils n’impriment complètement la pellicule. J’ai trouvé ça vertigineux ! Constance Meyer, la réalisatrice, ne répond à aucun code. Elle assume le flottement. Ces deux solitudes qui s’observent et qui apprennent à vivre ensemble, ça m’a bouleversée.
On a le sentiment que 2022 est votre année, puisque vous défendez deux films, Robuste et Entre les vagues. Quelle impression cela vous fait ?
C’est comme un tourbillon, avec ces deux films qui sortent à deux semaines d’intervalle. Je suis très heureuse d’avoir fait confiance à Constance Meyer pour Robuste ainsi qu’à Anaïs Volpé pour Entre les vagues, deux cinéastes à la puissante force de création. Et je me félicite d’avoir eu l’œil pour repérer des projets dignes d’intérêt [rires].
Ce sont aussi deux premiers films. Cela vous tient-il à cœur de défendre une nouvelle génération ?
J’ai clairement une préférence pour les premiers films. Il y a cette espèce d’élan, de cri trop longtemps contenu qui résonne pendant le tournage. C’est très excitant. D’autres journalistes m’ont fait remarquer qu’il s’agit aussi de deux femmes, mais c’est une coïncidence. Je n’irais pas jusqu’à dire que les femmes écrivent mieux que les hommes mais, si les gens veulent le penser, qui suis-je pour l’empêcher ? [rires]
Dans Robuste, la nouvelle génération fait face à un « vieux briscard » du cinéma, incarné par Gérard Depardieu.
Sans doute, mais je considère Gérard comme un vieux gamin de 73 ans ! Il a su garder une forme d’insolence. Il ne tient pas en place, il est toujours en train d’embêter l’ingé-son sur le plateau… Il a été très généreux avec moi, sans s’imposer hiérarchiquement. C’était vital pour le film, car Aïssa n’est pas soumise ; même si son rôle et sa condition sociale sont inférieurs au début, tout se rééquilibre via la relation qu’ils construisent.
Vous avez déclaré avoir gagné 10 ans d’expérience en jouant aux côtés de Depardieu.
J’ai pris 10 ans d’expérience en l’observant travailler, c’est indéniable. Je ne sais d’ailleurs même pas s’il travaille à ce stade-là, puisque tout est tellement naturel. Il m’a donné des conseils, comme celui de me réconcilier avec l’erreur et de ne pas trop me focaliser sur les lignes de texte. Sur un plateau, il s’autorise le déséquilibre.
Votre personnage pratique la lutte. Qu’est-ce que vous en avez retiré ?
La lutte a été importante car c’est sans doute l’un des endroits où mon corps m’a le plus servi. Je suis au sol, je soulève des poids et j’apprends à tomber… La lutte m’a beaucoup aidée à conjuguer cette force, que je trouvais très masculine et disgracieuse, avec ma propre féminité. J’ai réalisé que je n’en étais pas moins « femme », mais que j’en étais simplement plus puissante.
Le rôle de Georges est fortement inspiré par Gérard Depardieu lui-même. Votre rôle a également été écrit sur-mesure… Qu’y a-t-il de Déborah en Aïssa ?
Disons qu’Aïssa mène sa vie comme elle l’entend. On ne s’attend pas d’une femme qu’elle travaille dans la sécurité, par exemple, or elle est responsable d’un homme qui a 50 ans de plus qu’elle. Je me retrouve beaucoup dans ses choix ; personnellement j’essaye de ne pas répondre aux codes, et de toute façon je n’y arriverai pas. Reste donc à écouter mes désirs.
En parlant d’écouter ses désirs, vous avez écrit un court métrage. D’où est née cette envie ?
Je n’ai pas la volonté de devenir réalisatrice, mais pourquoi pas m’y atteler, ponctuellement. Disons que c’est un désir en gestation. J’ai eu besoin de raconter une histoire, de me positionner derrière la caméra pour avoir une autre approche des acteurs et donc de moi-même. J’ai d’ailleurs une bonne nouvelle : je le tourne dès le mois prochain ! Il illustrera la rencontre entre une jeune femme qui travaille dans un Tacos et une livreuse Uber Eats qui, la nuit, se transforme en dominatrice…
Visuels de couverture & illustration : Robuste – Déborah Lukumuena |Copyright Diaphana Distribution
02 mars 2022