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Plan 75
Un pacte dystopique
Le premier long-métrage de la réalisatrice Chie Hayakawa (Mention Spéciale de la Caméra d’Or au dernier Festival de Cannes) est un récit d’anticipation vertigineux qui alerte sur le traitement des couches fragiles de la population japonaise.
Le premier long-métrage de la réalisatrice Chie Hayakawa (Mention Spéciale de la Caméra d’Or au dernier Festival de Cannes) est un récit d’anticipation vertigineux qui alerte sur le traitement des couches fragiles de la population japonaise.
À Cannes, en 1983, Shōhei Imamura évoquait le suicide des personnes âgées dans La Ballade de Narayama – le film remporte la Palme d’Or cette année-là. En 2022, la réalisatrice Chie Hayakawa imagine le pendant moderne et libéral de la tradition de l’ubasute. L’air frais des montagnes où les seniors se cachaient pour mourir laisse place à l’odeur aseptisée de structures médicales déshumanisées.
Partant d’un fait de société – le Japon compte parmi les populations les plus vieilles du globe – Chie Hayakawa imagine un futur proche où le gouvernement met en place le « Plan 75 », qui accorde aux seniors de 75 ans et plus le droit au suicide assisté. Une idée, brillante sur le papier, qui, quand on s’y intéresse de plus près, s’avère pourtant plus proche d’une campagne d’extinction de masse que d’une véritable possibilité à disposer de son propre corps.
Le film s’ouvre sur une séquence glaçante, pourtant inspirée d’un fait divers bien réel : en 2016, un employé d’un établissement pour personnes en situation de handicap, inspiré par les thèses eugénistes, poignarde 19 résidents et en blesse 25 autres. Plan 75 applique ce raisonnement à l’échelle d’un État, qui considère ses citoyens les plus faibles (les seniors, mais aussi les personnes en situation de handicap et les personnes sans abri) comme une charge pour la société, et notamment pour la jeune génération.
RÉCIT CHORAL
À travers le parcours de trois personnages, Michi (Chieko Baishō), une veuve candidate au « Plan 75 », Hiromi (Hayato Isomura), un employé du plan, et Maria (Stefanie Arianne), une aide-soignante philippine chargée de collecter les effets personnels des défunts, Plan 75 questionne l’impact d’une telle politique sur toutes les couches de la population.
À l’exception de sa séquence finale, magnifique élan de liberté qui agit comme une bouffée d’air frais, le film fait le portrait suffocant d’une société hostile à la faiblesse et à la précarité, et d’un système qui choisit de rendre la mort attrayante (à coups de slogans publicitaires, de packages all inclusive et de « récompenses » financières) plutôt que d’améliorer les conditions de vie des êtres humains qui la composent. Renversant.
Visuels de couverture & illustration : Plan 75 | Copyright Eurozoom
07 septembre 2022