Trois mille ans à t'attendre

Mille et un sortilèges

Alithea Binnie (Tilda Swinton) est une experte en narratologie, heureuse mais profondément solitaire. Un jour, elle rencontre un Génie (Idris Elba) qui lui propose d’exaucer trois vœux en échange de sa liberté. Mais Alithea est bien trop érudite pour ignorer que, dans les contes, les histoires de vœux se terminent mal. Pour la convaincre de sa bonne volonté, le Génie lui raconte alors son passé extraordinaire…

On avait quitté George Miller en 2015, avec la sortie très remarquée du film d’action Mad Max : Fury Road, quatrième opus d’une saga rétrofuturiste débutée en 1979 et qui valut au cinéaste une renommée mondiale. Pour preuve, l’odyssée Fury Road, en véritable classique instantané, a remporté six Oscars en 2016 et est aujourd’hui considérée comme un chef-d’œuvre ; c’est peu dire qu’on attendait l’Australien au tournant.

Et tandis qu’il tourne actuellement Furiosa, un spin-off en forme de retour à la saga Mad Max, voilà qu’il a pris congé de son univers fétiche quelque temps pour en explorer un nouveau : celui des Mille et une nuits, peuplé de djinns et de figures orientalisantes. Un pas de côté peu surprenant en regard de sa carrière, capable de jongler entre violence abrasive et douceur animalière à la Happy Feet (2006). Conteur d’histoires invétéré, curieux de tout, George Miller devait forcément se retourner un jour sur son art. C’est chose faite avec le fabuleux Trois mille ans à t’attendre.

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UNE LEÇON DE STORYTELLING

C’est qu’au-delà d’être un conteur, Miller est un créateur de mythes – il suffit de constater à quel point la mythologie Mad Max est partie intégrante de notre culture. Pour lui, Trois mille ans à t’attendre est ainsi l’occasion de réfléchir aux pouvoirs de la fiction, dont sa capacité à modifier concrètement notre perception du monde. C’est ce qui arrive à Alithea, cette « historienne des histoires » rendue un brin pragmatique par son intellectualisme. Or elle va précisément renouer avec la magie des contes, et dans tous les sens du terme, en écoutant les récits épiques du Génie depuis sa chambre d’hôtel à Istanbul.

Pour nous, spectateurs, le film se vit comme un réenchantement permanent ; non seulement car il s’agit d’un univers visuel et narratif résolument original, mais aussi car il réaffirme l’importance vitale des conteurs dans nos sociétés technocratiques. En l’occurrence, le Génie est bel et bien analogue à George Miller himself, qui laisse cours à son imaginaire dans ce qu’il a de plus pharaonique et décapant. Sans en délaisser sa dimension intimiste, symbolisée ici par l’étroitesse d’une chambre où l’on se raconte, encore et encore, des histoires au coin du feu…

^{Visuels de couverture & illustration : Tilda Swinton, Idris Elba – Trois Mille ans à t’attendre | Copyright FilmNation Entertainment}