Belfast

L’Irlande en plein cœur

Figure emblématique du cinéma anglo-saxon, Kenneth Branagh est également un comédien de théâtre et metteur en scène reconnu. Au cinéma, il officie aussi bien comme acteur que réalisateur. Après s’être illustré dans les genres exigeants du film historique ou de l’adaptation shakespearienne, on l’a vu s’emparer d’un classique Disney comme du premier volet de la saga Marvel Thor ; autant d’expériences qui ont confirmé sa renommée de cinéaste hors pair et l’ont conduit à réaliser son film le plus personnel à ce jour. Car si Mort sur le Nil – que ce stakhanoviste a réalisé et dans lequel il interprète Hercule Poirot – poursuit un travail d’adaptation de l’œuvre d’Agatha Christie débuté avec Le Crime de l’Orient-Express en 2017, Belfast se pose comme une œuvre beaucoup plus intime en ce qu’elle est directement rattachée à l’identité du cinéaste.

Pour Belfast, du nom de la ville où il est né, Kenneth Branagh s’est en effet remémoré sa propre jeunesse passée en plein troubles nord-irlandais. Cette longue période de conflit armé opposa les républicains catholiques, largement discriminés et favorables à l’indépendance de leur région, aux loyalistes protestants, attachés au contraire à maintenir la mainmise du Royaume-Uni sur l’Irlande du Nord. Tourné dans un noir et blanc très stylisé, Belfast est tout entier pensé sur le mode des souvenirs d’enfance, matière rêveuse s’il en est. Nimbé de mélancolie et porté par un adorable blondinet confronté aux angoisses de ses parents – incarnés par Jamie Dornan, l’acteur star de Cinquante nuances de Grey, et Caitriona Balfe –, le film suit l’hésitation d’une famille tiraillée entre attachement à la ville et peur du désastre.

Le choix est judicieux que de traiter cette lourde thématique à travers les yeux rieurs d’un écolier, désamorçant ainsi la noirceur attendue au profit d’une belle innocence juvénile. La gravité du contexte laisse place à une ambiance de joyeuse insurrection, où l’on chante et danse avec entrain malgré la menace qui rôde. Dans une veine similaire à celle de Roma, où Alfonso Cuarón revenait en noir et blanc sur les lieux de son Mexico natal, Belfast s’affirme comme le grand film intimiste de son auteur.

Visuels de couverture & illustration :  Belfast | Copyright Rob Youngson / Focus Features