RED ROCKET

La révélation Simon Rex

Sean Baker a décidément un véritable talent pour choisir les interprètes de ses films. Non-professionnels ou à la lisière de l’anonymat, ils peuplent son univers avec un réalisme quasi-documentaire et nous tendent un autre miroir des États-Unis. Que ce soit dans Tangerine (2015) – qui suivait des prostituées afro-américaines transgenres –, dans The Florida Project (2017) – qui contait les péripéties d’une enfant et de sa jeune mère vivant dans un immeuble décrépi aux abords de Disneyland – ou dans Red Rocket, avec l’histoire d’un acteur porno (campé par Simon Rex) qui revient dans sa ville natale du Texas sans un sou en poche.

Après avoir fait ses premiers pas en tant qu’acteur pornographique puis s’être illustré comme animateur sur MTV, Simon Rex s’est fait connaître à la télévision avec les séries Felicity, Jack and Jill et Ce que j’aime chez toi, avant de décrocher le rôle principal de longs métrages comme Scary Movie 3, 4 et 5 mais aussi King of the Avenue. Il officie également comme musicien et producteur sous le nom de « Dirt Nasty » et réunit autour de lui un fan club conséquent. Habitué au casting sauvage, notamment sur les réseaux sociaux, Sean Baker a repéré Simon Rex sur Instagram et lui a envoyé quelques pages du scénario sans plus d’explications. L’acteur a joué le texte devant son iPhone, a envoyé la vidéo au réalisateur et s’est vu proposer le rôle principal de Red Rocket de façon quasi immédiate.

Allégorie d’une Amérique boursouflée

Mikey Saber, le personnage que campe Simon Rex dans Red Rocket, joue sur certaines caractéristiques de la vie de son interprète, notamment dans la familiarité qu’il montre à l’égard du monde du X. L’assurance insupportable dont il fait preuve appartient toutefois, elle, bien à la fiction et dessine une existence égoïste, complètement tournée vers son impérieuse envie de réussite. C’est un « proxénète de plateau » que Simon Rex fait ainsi exister à l’écran, parasite sans emploi qui voudrait gérer la carrière de sa petite amie dans le porno pour s’en sortir. Un personnage symptomatique d’un pays encore sclérosé par les figures du patriarcat et par un individualisme exacerbé.

Prix du Jury et Prix de la Critique au dernier Festival du film américain de Deauville, Red Rocket n’est pas tendre avec son héros, dont il adoucit toutefois les contours en usant d’un sens certain de la comédie. En s’appuyant sur le talent de Simon Rex pour la satire, pour la pleine expression d’une personnalité toxique – tant dans les actes que dans la gestuelle du corps –, Sean Baker révèle un acteur à la capacité d’adaptation remarquable que l’on retrouvera prochainement dans Mack & Rita aux côtés de Diane Keaton et dans Down Low avec Audra McDonald (Respect). Une reconnaissance méritée pour ce brillant touche-à-touche de 47 ans qui s’impose comme l’un des chantres de la scène indé américaine en ce début d’année.