LA PIÈCE RAPPORTÉE

Farce et attrape

Quand Paul Château-Têtard (Philippe Katerine), vieux garçon de 45 ans et pur produit du 16^ème arrondissement de Paris, prend le métro pour la première fois de sa vie, c’est le chaos. Il rencontre au guichet la jeune Ava (Anaïs Demoustier), employée rêveuse, et en tombe fou amoureux. Seulement, leur relation qui s’éloigne en tous points des lois du sérail ne plaît guère à celle que l’on surnomme la Reine Mère, à savoir Adélaïde Château-Têtard (Josiane Balasko). Celle-ci embauche un détective privé (William Lebghil) pour trouver de quoi faire tomber sa belle-fille de son piédestal.

Et de position, il en est tout le temps question dans cette savoureuse Pièce rapportée. Comment s’arroger le pouvoir et le garder ? Qu’en faire quand on n’en a pas grand-chose à cirer ? Comment l’exercer sur plus jeune et plus mobile que soi ? De toutes ces interrogations, Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet, La Loi de la jungle) tire une farce délicieuse où il est surtout question de chasser l’ennui. Car dans l’opulence, les journées disent la même ritournelle et le plaisir éclot toujours d’une rupture de ton, celle-là même que cherche bientôt Ava.

Tous les étages de l’humour

Si Antonin Peretjatko confirme un sens de l’absurde aussi unique que goûteux, il trouve également ici la pleine expression d’un univers où le jeu et la jouissance priment. Car en toutes scènes l’on s’amuse comme en parcourant une bande-dessinée à l’univers travaillé avec gourmandise. Les personnages s’y baladent de case en case, sémillants, enragés, capricieux, et entraînent avec eux le spectateur dans l’enquête commanditée par la Reine Mère. Les aller-retours dans le temps se font un puzzle dont on cherche les pièces manquantes et qui rappelle un jeu de plateau où l’on avance à tâtons, sautant les étapes ou revenant sur nos pas.

Au centre de ce troisième long métrage fantasque et drolatique, le casting – aux nouvelles têtes, Antonin Peretjatko ayant sollicité Vincent Macaigne et Vimala Pons pour ces deux premiers films – s’en donne à cœur joie. Philippe Katerine et Josiane Balasko forment un duo filial réjouissant où les accents bourgeois ont le bon goût de la démesure, tandis qu’Anaïs Demoustier et William Lebghil se délectent de situations cocasses dont seul le cinéaste a le secret. Philippe Duquesne – en inspecteur dingo – et Sergi López – en chauffeur entreprenant – complètent cette distribution qui s’amuse des escaliers et des étages. Antonin Peretjatko ne rate, lui, en tout cas pas une seule marche.