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HAUTE COUTURE
Entretien inédit avec Nathalie Baye et Lyna Khoudri
À l’affiche de Haute Couture, second film de Sylvie Ohayon (Papa was not a Rolling Stone), elles interprètent Esther, couturière qui vit sa dernière collection, et Jade, une jeune femme qui découvre un monde complètement étranger au sien. Les deux comédiennes explorent pour nous leur rapport à leur métier et à la mode.
À l’affiche de Haute Couture, second film de Sylvie Ohayon (Papa was not a Rolling Stone), elles interprètent Esther, couturière qui vit sa dernière collection, et Jade, une jeune femme qui découvre un monde complètement étranger au sien. Les deux comédiennes explorent pour nous leur rapport à leur métier et à la mode.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’approche de Sylvie Ohayon ?
Nathalie Baye : Je ne la connaissais pas du tout auparavant et j’ai découvert une femme complexe, touchante, qui, quand elle a une idée, ne lâche pas. Elle a mis beaucoup d’elle dans Haute Couture, le film a connu des moments difficiles puis ses contours se sont arrondis pour ressembler exactement à ce que Sylvie cherchait.
Comme dans la composition d’un rôle, la couture demande beaucoup de soin, une attention et un travail minutieux. Quels étaient les enjeux de vos rôles respectifs ?
Nathalie Baye : L’enjeu, c’est de faire que le personnage soit le plus proche possible de la vision de la réalisatrice. En tant qu’actrice, on le fait vivre, exister, et il faut qu’il tienne la route, qu’il soit juste, et même éventuellement qu’on parvienne à le dépasser. J’ai demandé des lectures à voix haute car c’est à ce moment que l’on remarque les choses qui ne vont pas, où l’on note les répétitions, etc. Petit à petit, on apprend le texte, on s’imprègne du personnage, on se lance et puis parfois on peut aller dans le mur ou bien subitement ajuster. Et puis on finit par s’attacher au personnage ; on le laisse le soir et on le retrouve le matin. Ensuite, quand le tournage se termine, on est très content de le quitter parce qu’on en a marre (rires).
Lyna Khoudri : Même s’il y a une petite phase de dépression après le tournage !
Esther et Jade, vos personnages, nourrissent une relation tantôt antagoniste tantôt assez fusionnelle. Qu’avez-vous appris l’une de l’autre en jouant ensemble dans ce rapport toujours changeant ?
Lyna Khoudri : On s’est très, bien entendu tout de suite, ce qui nous a facilité la tâche !
Nathalie Baye : Je n’ai pas eu l’impression qu’on ait fait un travail tout à fait extravagant. Il est en effet plutôt question d’une entente immédiate entre nous, d’un choix de la réalisatrice de deux actrices qu’elle voyait bien fonctionner ensemble. Très vite, on a senti qu’on allait avoir du plaisir à jouer ensemble, peut-être parce qu’on a une façon similaire d’aborder notre travail.
Une question de discipline ?
Nathalie Baye : Oui, bien sûr, mais aussi quelque chose qui a trait au caractère de nos personnages. C’est comme faire un gâteau ou un voyage à deux. Il y avait des scènes très chouettes à jouer, tant dans une forme de violence, de dureté, que dans la complicité. Nous avons connu beaucoup de choses très différentes à jouer ensemble, des situations relativement variées. Pour un acteur ou pour une actrice, c’est quelque chose de très agréable.
En tant que figure publique, vous portez souvent des tenues somptueuses. Le film a-t-il changé votre rapport à la mode ?
Lyna Khoudri : Je considère ce domaine de façon plus complète et plus complexe désormais ; je vois au-delà du vêtement. Lorsque je regarde le détail d’une robe, j’imagine qu’il y a eu des heures de travail dessus ainsi que de nombreuses retouches. Je vois les choses avec beaucoup plus de relief.
Nathalie Baye : On constate qu’il s’agit d’un métier incroyablement difficile et rigoureux. Ces femmes travaillent très souvent debout, se penchent constamment, ont les yeux fatigués. Elles fabriquent des robes qui coûtent une fortune et qu’elles ne seraient pas en mesure de s’offrir, mais elles sont fières de leur métier, sûrement pas dans l’aigreur. C’est quelque chose qui m’a beaucoup touchée.
Lyna Khoudri : La vraie richesse se trouve au-delà de la valeur pécuniaire à leurs yeux ; elle s’incarne dans les heures de travail, dans la perfection du geste.
« Aux yeux des couturières, la vraie richesse se trouve au-delà de la valeur pécuniaire ; elle s’incarne dans les heures de travail, dans la perfection du geste. » – Lyna Khoudri
Le film porte l’idée d’apprendre ou d’avoir un métier pour s’émanciper, pour se trouver. Qu’en pensez-vous ?
Nathalie Baye : C’est vraiment une réplique qui compte beaucoup dans le film et qui m’a beaucoup parlé. Effectivement, les gens vont souvent vous dire qu’ils ont un « boulot », or Esther, mon personnage, souligne : « Un boulot, ce n’est pas un métier. Un métier, tu en es fière, tu peux le transmettre. » J’ignore de quelle façon les jeunes d’une vingtaine d’années recevront cette phrase mais j’espère qu’elle touchera certains d’entre eux parce que, subitement, ça donne envie subitement d’aller plus haut.
Lyna Khoudri : Exactement. J’aurais aimé entendre cette phrase plus tôt. Je discute beaucoup avec mon frère de 17 ans sur ce qu’il veut faire de son avenir, ce qu’il va faire après ses études, etc. À son âge, j’avais très envie d’avoir de l’argent pour partir en vacances avec mes copines et j’ai fait plein de petits boulots. Et puis, il y a un moment où j’ai eu un déclic et où je me suis dit : « Je veux faire un métier. »
Esther et Jade partagent deux traits communs, la solitude et la combativité. Peut-on rapprocher ces caractéristiques du métier d’actrice ?
Nathalie Baye : C’est un métier où, sur un tournage, on est très nombreux, et puis, tout d’un coup complètement seul. Il n’y a pas très longtemps, j’ai tourné un film au Liban et je me suis retrouvée tous les soirs seule dans une grande chambre à attendre. À vrai dire, ce n’est pas pour me déplaire. Il est très agréable d’être entourée mais on a aussi besoin de solitude, de repos, de rêveries… Il y a des moments où j’ai un grand besoin de silence.
Lyna Khoudri : Ce contraste peut être violent mais je suis d’accord avec Nathalie, il est extrêmement important de se garder ce temps-là de solitude, de pouvoir s’entendre et s’écouter.
10 novembre 2021