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Novembre
Entretien avec Cédric Jimenez
Après l’immense succès de BAC Nord, Cédric Jimenez confirme son statut d’égérie du cinéma d’action français avec un sujet risqué : les attentats qui ont ébranlé Paris en novembre 2015. Il impressionne encore par sa maîtrise de la tension et parvient à un résultat d’une grande dignité.
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Après l’immense succès de BAC Nord, Cédric Jimenez confirme son statut d’égérie du cinéma d’action français avec un sujet risqué : les attentats qui ont ébranlé Paris en novembre 2015. Il impressionne encore par sa maîtrise de la tension et parvient à un résultat d’une grande dignité.
Novembre - Entretien avec Cédric Jimenez
Novembre conte les 5 jours où Fred (Jean Dujardin), enquêteur au sein de la sous-direction anti-terroriste, et son équipe furent en charge de retrouver les fugitifs les plus recherchés de France tandis que le pays venait d’être frappé par une série d’attentats faisant 130 morts et 350 blessés.
VOUS AVEZ DÉCLARÉ QUE VOUS N’ÉTIEZ D’ABORD PAS PARTANT POUR RÉALISER LE FILM…
Cédric Jimenez : C’est ce qui a été retranscrit, mais la vérité c’est que j’étais surtout fébrile. Je n’ai pas écrit le scénario, qui a été brillamment rédigé par Olivier Demangel [romancier et scénariste notamment de Vers la bataille (2021) et Tirailleurs (à venir en janvier 2023), ndlr], dont j’admire le travail, mais je ne pouvais masquer mon appréhension avant de lire. Or mes a priori se sont envolés assez rapidement : j’ai été rassuré et touché par l’angle adopté par Olivier, qui raconte les événements avec dignité et du point de vue de la SDAT [Sous-direction anti-terroriste, ndlr]. L’idée de raconter comment la fonction publique s’organise et répond démocratiquement à un acte aussi violent m’a beaucoup séduit.
D’UN POINT DE VUE PLUS PERSONNEL, QUEL EST VOTRE RAPPORT AUX ÉVÉNEMENTS DE NOVEMBRE 2015 ?
J’ai été bouleversé comme tout le monde ; d’autant plus que je n’étais pas à Paris mais en tournage à Budapest à l’époque, mais que j’ai une fille qui vit à Paris et tout près du Bataclan. J’étais très inquiet de ne pas l’avoir au téléphone, cela fut sans doute les plus longues heures de ma vie. J’ai ressenti comme un sentiment de culpabilité du fait de mon éloignement géographique. Je ne me comparerais jamais aux proches des victimes, mais c’est évident qu’on a tous vécu cet événement avec terreur et chagrin.
LA THÉMATIQUE DES ATTENTATS N’EST PAS NOUVELLE CHEZ VOUS. QU’EST-CE QUI VOUS TOUCHE LÀ-DEDANS ?
Ce qui revient, c’est la thématique du sacrifice d’innocents, que ce soit dans une tuerie de masse ou via des choses plus indirectes. L’individu broyé par la machine, l’innocence broyée par un système, c’est pour moi ce qu’il y a de plus injuste et j’en suis très touché…
VOTRE DÉSIR DE CINÉMA EST-IL PASSÉ PAR LE DÉSIR DE RACONTER CES HISTOIRES-LÀ ?
Je ne dirais pas cela ! Le désir vient d’abord de ma passion du cinéma, mais c’est vrai que j’y donne énormément de moi-même ; il faut que je sois bouleversé, touché par ce que je raconte. Il faut que cela m’habite profondément. Évidemment, l’inconscient joue beaucoup : en tant qu’auteur, on traite forcément de sujets qui se répètent. C’est pareil pour les peintres ; leurs sujets de prédilection tiennent d’une forme d’obsession.
QUELS ÉTAIENT LES PIÈGES À ÉVITER ?
Des pièges je ne sais pas, mais disons que j’ai obéi à une règle fondamentale : ni la mise en scène ni les acteurs ne devaient se placer au-dessus du sujet. Absolument tout devait être au service du sujet.
C’EST ASSEZ DIFFICILE, NON ?
Disons que c’est parfois contre-intuitif à l’exercice du cinéma, car on a souvent tendance à vouloir plus d’emphase. Je veux dire, le seul terme de « mise en scène » dit déjà la distorsion du réel que cela implique, voire son embellissement. La distorsion existe systématiquement dans la fiction, certes, mais je me suis interdit d’utiliser le sujet de manière opportuniste. Il fallait raconter les faits avec le moins de filtres possible.
CONTRAIREMENT A BAC NORD, LES PERSONNAGES SONT RELATIVEMENT ABSTRAITS. C’ÉTAIT VOULU ?
Les deux films sont finalement très différents : dans BAC Nord, il y a infiniment plus de filtres fictionnels. C’est vraiment un western urbain qui sonde l’âme de ses personnages, tandis que Novembre va directement « à l’os », sans pour autant perdre en tension. Si ces personnages semblent plus abstraits, c’est sans doute car ils ont agi comme des moines soldats dans la réalité : ils n’avaient plus aucune vie intime et la plupart dormaient d’ailleurs à même le bureau. Ils se sont repliés pour rester focalisés sur cet objectif de la plus haute importance, donc j’ai souhaité respecter cela. L’idée n’était pas de les désincarner non plus, mais de rester fidèle à leur vécu. Les gens ont tendance à confondre émotionnel et psychologie, or la psychologie de mes personnages dictait précisément un cloisonnement extrême. Le fait d’en arriver à un tel état de concentration, de garder son sang-froid coûte que coûte, de combattre la fatigue, c’est un état psychologique comme un autre.
CELA A-T-IL CHANGÉ LES CHOSES EN TERMES DE DIRECTION D’ACTEUR ?
J’ai la chance de travailler avec des acteurs très intelligents, donc je n’ai même pas eu besoin de leur expliquer les choses. Par envie, par respect, par dignité, ils n’ont pas rechigné à cet aspect du film. Sur le plateau, ensuite, je les ai laissés relativement libres de leurs mouvements.
LA TENSION INHÉRENTE AU FILM DICTAIT-ELLE UNE CERTAINE TENSION SUR LE PLATEAU ?
Pas forcément non ; au lieu de tension, je parlerais plutôt de concentration. Tous les acteurs, toute l’équipe étaient dans un état de concentration maximal ; c’est la moindre des choses lorsqu’on fait un film pareil. Elle n’était donc pas de mise ; elle était acquise.
Visuels de couverture & illustration : Sandrine Kiberlain, Jean Dujardin, Anaïs Demoustier – Novembre | Copyright 2021 RECIFILMS – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – STUDIOCANAL – FRANCE 2 CINEMA – UMEDIA / Cédric Jimenez, Jean Dujardin – La French | Copyright Gaumont Distribution
En salles le
05 octobre 2022
05 octobre 2022