Les Crimes du futur

Organique odyssée

Dans un futur à l’allure postapocalyptique, les humains apprennent à vivre sans ressentir la douleur. Le corps humain fait l’objet de mutations nouvelles et, avec la complicité de sa partenaire Caprice (Léa Seydoux), Saul Tenser (Viggo Mortensen) met en scène la métamorphose de ses propres organes lors de performances artistiques. Timlin (Kristen Stewart), une employée du Bureau du Registre National des Organes, suit de près leurs pratiques…

David Cronenberg n’a pas dit son dernier mot : la preuve avec ce film fou, dont le scénario dormait dans ses tiroirs depuis environ vingt ans. Comme un condensé de son œuvre de science-fiction, qui a très vite mêlé le corps humain aux nouvelles technologies, Les Crimes du futur pousse le concept à l’extrême puisqu’on y explore littéralement ses entrailles à l’aide d’appareils étranges. La sexualité elle-même tient de la chirurgie, puisque l’humanité tente par tous les moyens de pallier l’absence de douleur. Mais qu’on ne s’y trompe pas : loin du gore, le résultat est d’une vraie poésie pour qui veut bien se laisser embarquer dans cet univers parallèle. C’est que le cinéaste en profite pour parler d’amour et de création dans un monde pourtant décharné, qu’on devine aux prises avec une (la nôtre ?) crise écologique.

UNE ATMOSPHÈRE UNIQUE

Tourné dans certains quartiers délabrés d’Athènes, le film conjugue l’atemporalité d’une Grèce mythique à l’ultra modernité d’un scénario mutant. Drôle de coïncidence que le cinéaste revienne après la Palme d’or attribuée à Titane de Julia Ducournau l’an dernier, tant les deux films ont en commun la mutation de l’humanité ; celle de Cronenberg est ainsi métaphoriquement illustrée par son couple de performeurs, qui vont toujours plus loin dans l’exploration du corps. Magistralement interprété par Viggo Mortensen, le héros aux nouveaux organes a aussi des airs du cinéaste himself ; et si Les Crimes du futur était un film autobiographique ? On n’en doute pas, tant Cronenberg s’est imposé avec le temps comme un body artist des plus visionnaires…

^{Visuel de couverture : Léa Seydoux – Les Crimes du Futur | Copyright Metropolitan FilmExport}