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Leila et ses frères
Une tragédie iranienne
Après le polar sous haute tension La Loi de Téhéran (2021), L’Iranien Saeed Roustaee ausculte à nouveau les maux de son pays, cette fois sous la forme d’une stupéfiante fresque familiale aux relents tragiques.
Après le polar sous haute tension La Loi de Téhéran (2021), L’Iranien Saeed Roustaee ausculte à nouveau les maux de son pays, cette fois sous la forme d’une stupéfiante fresque familiale aux relents tragiques.
Leila s’est démenée toute sa vie pour ses parents et ses quatre frères. Touchée par une grave crise économique, la famille croule sous les dettes et se déchire au fur et à mesure de leurs désillusions personnelles. Afin de les sortir de cette situation, Leila prévoit d’acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères. Chacun y met ses économies, mais il leur manque un dernier soutien financier. Mais au même moment, leur père Esmail promet une importante somme d’argent à sa communauté afin d’en devenir le nouveau parrain, la plus haute distinction de la tradition persane…
Sélectionné au dernier Festival de Cannes, Leila et ses frères se vit comme une véritable odyssée iranienne, non pas dans les contrées mythiques explorées par Ulysse mais au cœur d’une société broyée par les inégalités et où les valeurs familiales deviennent un refuge. Mais que faire lorsque l’étau se resserre autour de ce dernier bastion, lorsque les désillusions l’emportent sur l’esprit de solidarité ? Attentif aux problématiques sociétales de son pays, Saeed Roustaee orchestre un magnifique récit-fleuve à partir d’une situation des plus triviales.
Soit la création d’une boutique par une famille en pleine dégression sociale, entreprise rendue titanesque par les peines financières et autres tensions filiales, les unes alimentant les autres… Et si le sujet semble moins haletant que la traque anti-drogue de La Loi de Téhéran, c’est en réalité tout le contraire puisqu’on assiste à une forme chorale, rythmée par une multitude de personnalités et de coups de théâtre.
DES ACCENTS HOLLYWOODIENS
C’est que l’aspect grouillant du film, doublé de ce récit herculéen et de la figure omniprésente du patriarche, un vieil avare sur lequel pèse le destin de la famille, rappelle par endroits la trilogie du Parrain de Francis Ford Coppola. Résolument inspiré par les fresques du Nouvel Hollywood et leurs longues scènes de liesse, films dans lesquels les cinéastes américains n’hésitaient pas à étirer le temps ni à laisser cours à la verve de leurs personnages.
Saeed Roustaee, lui aussi, compose des séquences opératiques ; on pense à une scène de mariage qui confine à l’hypnose, et où la temporalité vacille jusqu’à atteindre une espèce de surréalisme baroque. C’est là tout le talent du cinéaste qui, illustrant des mœurs iraniennes très codifiées (où la notion d’honneur a une part primordiale) et usant d’un sens du cadre exceptionnel, parvient à élaborer une tragédie à la fois universelle et profondément ancrée dans une culture – par ailleurs souvent représentée par des films ancrés dans un réalisme âpre. Roustaee, lui, choisit le romanesque.
Visuels de couverture & illustration : Taraneh Alidoosti – Leila et ses frères | Copyright Amirhossein Shojaei
24 août 2022