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LE DIABLE N’EXISTE PAS
Un iranien en colère
Mohammad Rasoulof (Un homme intègre) signe une fresque époustouflante en quatre chapitres, récompensée de l’Ours d’or à Berlin, sur les destins brisés par la peine de mort en Iran.
Mohammad Rasoulof (Un homme intègre) signe une fresque époustouflante en quatre chapitres, récompensée de l’Ours d’or à Berlin, sur les destins brisés par la peine de mort en Iran.
Le Diable n’existe pas : derrière ce titre énigmatique se cachent quatre récits en forme de contes moraux. Il y a d’abord celui d’Heshmat, père de famille a priori modèle gangrené par les actes qu’il doit commettre pour le compte du régime iranien. Puis ceux de Pouya, un jeune conscrit qui refuse de passer l’épreuve initiatique lui ordonnant de tuer un prisonnier, ou de Javad qui doit, lui, assumer d’avoir joué les bourreaux devant sa belle-famille. Enfin, on suit Bharam, un ancien médecin condamné à l’exil qui ne parvient pas à révéler son secret à sa nièce.
Une ode à la désobéissance
Autant d’histoires qui nous ramènent à une même thématique : l’application arbitraire de la peine de mort en Iran, dont les victimes sont loin d’être les seuls condamnés. Assujetti à un an de prison à la suite du succès d’Un homme intègre (qui abordait de front le système de corruption orchestré par le régime), le réalisateur Mohammad Rasoulof a décidé de tourner clandestinement non pas un long mais quatre films courts afin de ne pas attirer l’attention des autorités. Une contrainte qui, finalement, lui permet d’exprimer une pluralité de points de vue et, in fine, de saisir les tourments d’un pays entier avec une ampleur inégalable. Explorant divers milieux sociaux et contextes géographiques, Le Diable n’existe pas débute dans l’asphyxie de milieux urbains pour finir dans des zones de plus en plus reculées, pas imperméables aux fantômes des morts pour autant.
Filmant cette funeste omniprésence comme un fardeau qui pèse sur les hommes de toute condition, Mohammad Rasoulof dessine les contours de l’institutionnalisation du mal. Malgré l’austérité du propos, une lueur pointe au bout du tunnel : celle dont sont faites les consciences les plus éclairées, phares dans la nuit pour une nouvelle génération d’insoumis. En témoigne la jeune fille au centre du mémorable dernier épisode, qui refuse de chasser un renard comme on refuserait d’abattre un inconnu. Avec une grâce élégiaque, la mise en scène du cinéaste célèbre aussi ces femmes qui trouvent une forme d’émancipation dans la révolte.
01 décembre 2021