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FARGO
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C’était le nom d’une ville. C’est aujourd’hui et avant tout le titre d’un film, prix de la mise en scène à Cannes en 1996 et Oscar du meilleur scénario pour Joel et Ethan Coen. À redécouvrir en salles jeudi 14 octobre.
C’était le nom d’une ville. C’est aujourd’hui et avant tout le titre d’un film, prix de la mise en scène à Cannes en 1996 et Oscar du meilleur scénario pour Joel et Ethan Coen. À redécouvrir en salles jeudi 14 octobre.
Est-ce parce que leur incursion dans les projets « hollywoodiens », chers et ambitieux, que leur permettait soudain leur Palme d’or de Barton Fink (1991) s’est soldée par un échec public et critique ? Est-ce parce que Le Grand saut (1994) finissait par ressembler au hula-hoop dont il célébrait l’invention mais qui est un drôle d’objet tournant dans le vide et pour pas grand-chose ? Deux ans après, Joel et Ethan Coen décident pour leur sixième film de retourner aux sources et de revenir au pays.
Les sources : le « petit » thriller noir et décalé, violent et jubilatoire qui a fait leur réputation dès leur premier film, Sang pour sang. Et le pays : Fargo, un trou perdu, loin d’Hollywood mais à quelques miles des faubourgs de Minneapolis où ils ont grandi.
Un regard singulier sur le rêve américain
Considéré comme l’une des œuvres majeures des frères Coen, et devenu tellement culte qu’il a donné naissance près de vingt ans après à une série non moins appréciée, qu’ils ont produite. C’est peu dire que les frères siamois du cinéma américain (officiellement, à l’époque de Fargo, seul Joel assume la mise en scène, tandis qu’Ethan assure la production, mais ils signent tous les deux le scénario et, sous un pseudo, le montage – il faudra attendre Ladykillers en 2004, pour qu’ils signent tout à deux), portent sur le rêve américain un regard singulier, sarcastique et sans pitié, qui le fait vite ressembler à un cauchemar.
Non seulement, ils revisitent avec un décalage amusé et une noirceur implacable les genres cinématographiques, mais ils en profitent au passage pour tourner en dérision toute la mythologie américaine. C’est peut-être dans Fargo qu’ils vont le plus loin dans ce jeu de massacre.
Justement parce qu’ils n’annoncent pas la couleur (ce n’est pas un hasard si la neige envahit toutes les images !). Justement parce qu’ils ont décidé d’allier la « modestie » de leurs propos à la sobriété de leur mise en scène – très peu de mouvements de caméras, beaucoup de plans fixes, et une grande attention aux petits détails de la vie quotidienne. Justement parce qu’on croit avoir à faire à un fait divers presque banal entre gens presque ordinaires, et qu’on se retrouve, tout comme les personnages, aspiré sans même s’en rendre compte dans une spirale infernale. Impuissants, on va les voir creuser leur tombe petit à petit sous nos yeux. Et… on va y prendre du plaisir !
Leurs acteurs fétiches
Comment pourrait-il en être autrement devant cet échantillon de la bêtise humaine que les frères Coen se délectent à observer en toute objectivité, presque avec détachement ? D’autant qu’ils ont composé leur casting avec la même délectation : William H. Macy, qui, dit-on, les a suppliés de lui donner le rôle – il a bien fait, c’est le rôle de sa vie ! – et quelques-uns de leurs acteurs fétiches dont bien sûr Steve Buscemi.
Et surtout Frances McDormand, Mme Joel Coen à la ville, seul personnage attachant – et moral – du film (qui lui vaudra l’Oscar de la meilleure actrice). Jamais thriller ne fut plus drôle. Jamais comédie ne fut pourtant plus noire ni plus violente. La jubilation des frères Coen à faire du cinéma n’a d’égale que celle qu’ils savent nous procurer. Et si c’était là leur secret ?
05 juin 1996