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En roue libre
Marina Foïs et Benjamin Voisin sur la banquette
Rencontre au sommet avec deux acteurs phares du cinéma français, rois de l’absurde dans le premier long métrage de Didier Barcelo. Dans ce road movie décoiffant, ils campent deux inadaptés sociaux qui vont se sauver mutuellement d’une routine mortelle.
Découverte UGC
Rencontre au sommet avec deux acteurs phares du cinéma français, rois de l’absurde dans le premier long métrage de Didier Barcelo. Dans ce road movie décoiffant, ils campent deux inadaptés sociaux qui vont se sauver mutuellement d’une routine mortelle.
En roue libre - Marina Foïs et Benjamin Voisin sur la banquette
Louise (Marina Foïs) se retrouve, un beau matin, prise au piège dans sa propre voiture. Impossible d’en sortir : à chaque fois, elle est terrassée par une attaque de panique. Jusqu’à ce que Paul (Benjamin Voisin), une petite frappe, vole la voiture et du même coup la kidnappe. Les voilà tous les deux embarqués pour un voyage mouvementé à travers la France…
POURQUOI AVOIR FAIT CONFIANCE À DIDIER BARCELO, QUI N’EST PAS SI JEUNE MAIS DONT LA CARRIÈRE AU CINÉMA DÉBUTE ?
Marina Foïs : Je ne parlerais pas de confiance. C’est plutôt une promesse, un pari. On rencontre un réalisateur dans un café, mais c’est impossible de prévoir comment il se comportera sur le plateau ! On n’a que le scénario pour nous réunir. Là, j’ai été séduite par son sens de l’absurde et par l’idée de donner la réplique à Benjamin Voisin. Il m’avait ébloui dans Été 85 de François Ozon (2020).
Benjamin Voisin : Marina a raison, et c’est aussi ce que j’aime dans les premiers longs métrages. Lorsqu’on travaille avec un réalisateur déjà reconnu, c’est tout de suite plus concret : on sait à peu près quelle sera son image et son scénario, on se demande comment on va s’intégrer à son univers… Mais dans ce cas de figure c’est un plongeon. Cela peut très bien faire « plouf » ! (Rires.)
LE FILM REPOSE SUR UN CONCEPT TOTALEMENT ABSURDE. MARINA, COMMENT SE PRÉPARE-T-ON À INCARNER UN PERSONNAGE AU TEL COMPORTEMENT ?
Marina Foïs : Effectivement, c’est absurde mais l’idée de la crise d’angoisse ne l’est pas du tout ! Je ne l’ai jamais ressenti aussi concrètement que Louise, mais je pense qu’on est tous dépassé par les événements parfois. En l’occurrence, elle en arrive à se figer dans une vie qui ne bouge plus depuis des années. Elle en arrive à ce point de non-retour où elle n’a plus de ressources, plus d’énergie, plus foi en rien. Je n’ai pas eu beaucoup à imaginer cela, car on entend beaucoup d’histoires de ce genre. Au-delà, c’est aussi un vrai archétype de cinéma : celui de la femme de 45 ans dont le mari s’est enfui pour refaire sa vie, qui a un fils parti à l’autre bout du monde, qui a enchaîné 18 nuits de garde à l’hôpital…
L’IDÉE D’UNE HÉROÏNE EN BURNOUT, INFIRMIÈRE QUI PLUS EST, CONFINÉE DANS SA VOITURE… CELA NE VOUS RAPPELLE RIEN ?
Benjamin Voisin : La crise sanitaire bien sûr, mais le plus fou est qu’on n’y a jamais pensé en tournant !
Marina Foïs : On n’y a pas pensé car on était dans un mouvement permanent, avec cette voiture… Tandis que lors du confinement, chacun était vraiment englué à un endroit. Mais tout le monde nous pose la question aujourd’hui, donc on s’est peut-être inconsciemment nourris de nos deux ans d’enfermement…
VOUS DEVIEZ PARTAGER L’ÉCRAN AVEC UNE RIVALE DE TAILLE : LA VOITURE. DANS VOTRE IMAGINAIRE, QU’EST-CE QU’ELLE REPRÉSENTE ?
Benjamin Voisin : Personnellement, c’est ce qui m’a vraiment convaincu de faire le film. Je fais beaucoup de moto, je me déplace de coin en coin et j’adore observer l’évolution du paysage français. Je le trouve magnifique car très multiple, très changeant. J’ai adoré l’idée de le voir défiler en voiture ! Cela se ressent aussi sur les émotions de nos personnages, étroitement liées à la couleur des paysages ; ils sont beaucoup plus sombres au début et très lumineux à la fin, lorsqu’ils atteignent le sud de la France. Lorsqu’on est en voiture, on a 25 adresses différentes !
Marina Foïs : Et puis c’est tout de même un vieux fantasme, celui de tout larguer et de s’enfuir en voiture ! Il nous habite tous un peu selon les périodes…
MAIS TOURNER UN FILM ENTIER DANS UNE VOITURE, N’EST-CE PAS UN PEU FATIGUANT ?
Marina Foïs : C’est le sujet, donc tant mieux si on devenait un peu claustrophobes ! (Rires.) Mais c’est sûr que dans un film à décor, costume et partenaire unique, il fallait qu’on puisse se réinventer. On avait en charge l’évolution de notre relation. Il ne fallait pas que ce soit trop artificiel, donc cela s’est construit petit à petit. C’était trois pas en avant, deux en arrière. On a tenté de faire circuler le dialogue entre nous, pour qu’on croit sincèrement que ces deux personnes qui n’ont rien à faire ensemble finissent par devenir indispensables l’une à l’autre.
JUSTEMENT, COMMENT S’EST NOUÉE CETTE COMPLICITÉ ENTRE VOUS ?
Benjamin Voisin : Quelque part, la complicité a été multipliée grâce aux contraintes de la voiture. C’est simple : je partageais tout avec Marina ! Cela paraît bête, mais on restait en place lorsqu’on attendait le changement d’un objectif de caméra. On avait le temps de discuter et de plaisanter entre nous, donc la relation s’est nouée à même le tournage. Je considère que c’est un vrai luxe.
LA SÉANCE DE PSYCHANALYSE AVEC JEAN-CHARLES CLICHET, OÙ IL EST CHARGÉ DE DIAGNOSTIQUER LOUISE EN UN TEMPS RECORD, EST HILARANTE ! QUEL EST VOTRE POINT DE VUE SUR CE QU’ELLE RACONTE ?
Marina Foïs : L’inconscient fait des nœuds dont on ne maîtrise pas complètement les effets. On se retrouve avec des symptômes, et on les comprend au niveau conscient : « Je suis angoissée, je ne peux pas sortir de ma voiture. » Mais qu’est-ce que cela raconte ? Personnellement j’y crois ; ma mère et ma grand-mère étaient psy et j’ai moi-même effectué une psychanalyse pendant 150 ans (rires). Mais ce que j’adore dans cette scène, c’est précisément la réaction de Louise. Elle demande qu’on ne la ramène pas au suicide de sa mère lorsqu’elle avait 20 ans. Elle dit : « 30 ans sont passés, j’ai appris un métier, j’ai aimé, j’ai eu des enfants depuis. » Bien sûr qu’on ne se débarrasse pas aussi facilement de ses bagages intimes, mais cette femme affirme qu’on n’est pas seulement ce qui nous est arrivé. Elle n’a pas envie de souffrir toute sa vie parce qu’elle a perdu sa mère à 20 ans, elle veut croire qu’on peut se réparer. C’est comme lorsqu’on ramène les gens à leurs origines ; selon les moments de la vie, on a parfois besoin d’être conjugué au présent plutôt qu’au passé.
TROUVEZ-VOUS QUE LA COMÉDIE ABSURDE N’EST PAS SUFFISAMMENT VALORISÉE DANS LE CINÉMA FRANÇAIS ?
Marina Foïs : D’abord, qui fait de l’absurde en France ? Éric et Ramzy oui, et il faut rendre hommage à leur qualité de pionniers français. Il y a aussi Quentin Dupieux, mais sa notoriété est très récente. J’avais adoré Réalité (2014) il y a plusieurs années, et à l’époque beaucoup de gens passaient à côté. Mais qu’on pense aux Monty Python ou aux Marx Brothers, les maîtres en la matière ne sont pas français. C’est pourtant un humour que j’adore. Prenez ce que fait Jonathan Cohen avec sa série Le Flambeau, où il y a vraiment de l’absurde : je ne sais pas pourquoi, mais cet humour est celui qui me fait le plus rire au monde !
Visuels de couverture & illustration : Benjamin Voisin, Marina Foïs – En roue libre | Copyright Stephanie Branchu
En salles le
29 juin 2022
29 juin 2022