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CRY MACHO
Adieu cowboy
Avec la hauteur de vue d’un vieux sage, Clint Eastwood, 91 ans, contemple le crépuscule de son Amérique natale et livre un film plus mélancolique que jamais.
Avec la hauteur de vue d’un vieux sage, Clint Eastwood, 91 ans, contemple le crépuscule de son Amérique natale et livre un film plus mélancolique que jamais.
Mike (incarné par un Clint Eastwood impérial), Texan pure souche, fut une vedette du rodéo à une autre époque, dans une Amérique qui célébrait encore ses cowboys. Déchu depuis des lustres, il n’a plus rien à perdre, pas même de risquer sa peau en allant jusqu’au Mexique pour arracher un adolescent (Eduardo Minett) aux griffes de la pègre et le ramener à son père, qui l’attend au Texas…
Après son interprétation dans La Mule (2018), qui avait déjà quelque chose de terminal, Eastwood poursuit le versant testamentaire de son œuvre avec Cry Macho. Une fois encore, il s’agit de traverser la frontière mexicaine ; cette fois pour sauver un gamin, Rafo, et lui offrir son rêve américain. Semé d’embûches, le parcours du vieux loup solitaire va finalement le rapprocher du garçon et, par extension, de sa culture hispanique. En échange, Mike se met en tête de faire de Rafo un cowboy, un vrai, en lui apprenant à monter à cheval…
Une fable apaisée
Si elle rejoue l’éternel récit d’une rencontre inespérée entre deux êtres que tout semble opposer (y compris via un fossé générationnel), la beauté simple de sa trame irradie le film entier. À commencer par la force tranquille de l’acteur-cinéaste, qui constitue à elle seule un objet de fascination. En filmant son corps de 91 ans, Eastwood met en scène sa propre déliquescence physique. À l’arrivée, pas d’apitoiement morbide mais une bouleversante pulsion de vie, l’homme qu’il incarne puisant dans ses dernières ressources pour accomplir sa mission. Au programme : un road trip où il s’agit de fuir les cartels mexicains comme la police, de monter à cheval et même de tomber amoureux… Autant d’éléments qui mettent le corps et les émotions du mastodonte en jeu, malgré un épuisement qui requiert bien quelques siestes.
Pour autant, Eastwood ne mise pas sur l’efficacité des péripéties. Bien au contraire, le film touche au sublime par les détours plus subtils d’une atmosphère étrangement apaisée. Et le cinéaste assume franchement cette part de candeur, Cry Macho tenant moins du récit réaliste que de la fable utopique. Si Mike est confronté à un deuil inaltérable, qui tient tant à sa famille disparue qu’à l’Amérique triomphale dont il fut la star dans sa jeunesse, le voilà pris d’un espoir fou, celui de quitter ce monde dans une Amérique humaniste et vidée de ses « machos », voire de ressusciter la figure du cowboy dans sa veine la plus noble. Un rêve qui est aussi celui d’Eastwood, dont ce beau rôle de « passeur » est un miroir évident à son statut de cinéaste déclinant, en pleine réflexion quant à son legs.
Photo : Clint Eastwood, Eduardo Minett – Cry Macho | Copyright 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. / Claire Folger
10 novembre 2021