Bones and All

Vu à la Mostra

Maren Yearly (Taylor Russell McKenzie) est une jeune fille de 16 ans, bannie de son foyer pour ses penchants cannibale. Parcourant le pays dans l’espoir de retrouver une mère qu’elle n’a jamais connu, elle rencontre sur sa route un garçon de son âge, Lee (Timothée Chalamet), qui souffre lui aussi du même mal…

Après le succès inespéré de Call Me by Your Name, Luca Guadagnino adapte cette fois un roman pour adolescents autour d’un couple de jeunes cannibales, condamnés à errer aux marges de la société à cause de leurs pulsions irrépressibles. Le cinéaste est passé maître dans l’art des films adressés à la jeunesse, et c’est peu dire que Bones and All en est un bel exemple.

Situé aux extrémités du genre horrifique et de la romance acidulée, le film joue constamment entre ces deux registres via le parcours de Maren, confrontée à une insécurité de tous les instants jusqu’à sa rencontre avec Lee. Guadagnino enveloppe ainsi Bones and All d’une atmosphère obscure, presque gothique, à l’image de héros condamnés au statut de fantômes américains. C’est d’ailleurs là toute la beauté du film, qui s’attache ainsi à filmer les marges d’un pays – au sens propre, à l’échelle de l’Amérique profonde, comme au sens figuré, à celle des personnages.

NOIR C’EST NOIR

La marge, c’est au fond le sort réservé aux jeunes différents, non-conformes, monstrueux. Guadagnino les érige en nouvelles icônes de l’Americana, à tel point qu’on pense évidemment au couple  de Bonnie & Clyde (Arthur Penn, 1967) et à leur mythologie : celle d’un couple déviant, adepte d’une pratique socialement condamnée et donc forcé à l’exil. Maren et Lee n’en sont pas si loin, engoncés dans la misère, la voiture pour seule maison.

Et si l’on pouvait s’attendre à une déflagration filmique, Guadagnino fait tout le contraire en empruntant à ce que le cinéma américain a fait de plus sombre, du vampire Martin de George A. Romero (1977) aux rednecks inquiétants du culte Délivrance (1972). Noir c’est noir : en dépit du flamboyant Timothée Chalamet, dont le charme opère toujours, c’est bien à un film sur le désespoir adolescent – celui d’une jeunesse en proie à l’inquiétude sentimentale comme à un horizon bouché – qu’on assiste.

Le film sortira en salles prochainement.

^{Visuels de couverture & illustration : Taylor Russell McKenzie, Timothée Chalamet – Bones And All | Copyright MGM}