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Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse
Rencontre avec Michel Ocelot
À 78 ans, Michel Ocelot (Kirikou, Azur et Asmar) n’a pas son pareil pour faire rêver le public. Tandis que le cinéaste réactive son imaginaire à travers une série de trois contes situés à trois époques différentes, rencontre avec un maestro de l’animation au style unique.
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À 78 ans, Michel Ocelot (Kirikou, Azur et Asmar) n’a pas son pareil pour faire rêver le public. Tandis que le cinéaste réactive son imaginaire à travers une série de trois contes situés à trois époques différentes, rencontre avec un maestro de l’animation au style unique.
Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse - Rencontre avec Michel Ocelot
3 contes, 3 époques, 3 univers : une épopée dans l’Egypte antique, une légende médiévale en Auvergne, une fantaisie du XVIIIe siècle dans des costumes ottomans et des palais turcs. 3 histoires pour être emporté par des rêves peuplés de dieux splendides, de tyrans révoltants, de justiciers réjouissants ou encore d’amoureux astucieux, le tout dans un écrin splendide dont seul Michel Ocelot a le secret.
VOUS AVEZ BERCÉ L’ENFANCE D’UNE GÉNÉRATION ENTIÈRE AVEC KIRIKOU (1998) : COMMENT PERCEVEZ-VOUS CET HÉRITAGE ?
Michel Ocelot : J’ai beau avoir prévu beaucoup de choses dans ma vie, il y en a une que je n’avais pas anticipée : le temps qui passe. Autrement dit ces enfants à qui j’ai donné tout ce que j’avais, ces enfants qui ont grandi et qui sont devenus des adultes séduisants, ils n’ont rien oublié de ce que j’ai fait. Et ils viennent me remercier ! Lorsque je pars en tournée pour mes nouveaux films, il y a tous ces jeunes gens qui m’abordent avec émotion, mais aussi de jeunes cinéastes qui me disent : « Je fais du cinéma à cause de vous. » C’est très troublant, ce retour d’affection.
POURQUOI AVOIR DÉCOUPÉ CE FILM EN 3 PARTIES DISTINCTES ?
Je sortais de Dilili à Paris (2018), qui fut un projet éprouvant à porter. J’ai eu envie de laisser tomber l’opéra pour faire de la chansonnette ! (Rires.) Or je trouve que l’animation fonctionne très bien sur un format court ; certaines histoires peuvent se raconter en trois minutes, c’est-à-dire le temps d’une chanson, et tout de même exister très fort. Vous savez, certains récits seraient parfaitement racontés en 35 minutes mais le marché du film nous en demande souvent 1h30. Alors au lieu de faire un moyen métrage brillant, on se retrouve avec un long métrage ennuyeux ! Je n’en avais pas envie, alors je me suis offert le luxe de raconter trois histoires sans jamais mesurer leur durée.
QU’EST-CE QUI VOUS POUSSE À CHOISIR UN CONTE PLUTÔT QU’UN AUTRE ?
C’est toujours lié au hasard. J’en ai évidemment un certain nombre dans mes petits papiers, mais j’avais envie de faire du neuf. Je me suis donc laissé porter : le conte égyptien, c’est par exemple lié à une commande du Louvre. Je ne pensais pas collaborer un jour avec ce musée, or tout s’est merveilleusement bien passé depuis une exposition qui dressait l’histoire d’une dynastie africaine de pharaons. En travaillant sur ce projet, je suis ainsi tombé sur une histoire imprévue. C’est devenu celle qui ouvre le film. Quant au conte du Beau sauvage, j’ai retrouvé un marque-page glissé dans un livre écrit par Henri Pourrat, un auteur qui a rapporté beaucoup de contes auvergnats. Le dernier, lui, je l’ai fait pour la légèreté et le plaisir !
LE CONTE AUVERGNAT EST LE PLUS SINGULIER VIS-À-VIS DE VOTRE ŒUVRE. COMMENT AVEZ-VOUS APPROCHÉ SON TRAITEMENT ?
Disons que je ne l’ai pas pris à la légère. J’ai beaucoup voyagé pour l’élaboration de mes contes : j’ai traversé le Japon, la Perse, le Tibet… J’ai traité ces régions avec respect, et donc l’Auvergne nécessitait la même attention. J’y suis allé deux fois pour le film, et j’y ai ramassé beaucoup de trésors. Cela m’a aidé pour la conception de ce château en pierre grise.
D’OÙ VIENT CETTE INSATIABLE CURIOSITÉ POUR LES CULTURES DU MONDE ?
Pour moi, c’est tout à fait naturel ! Je suis un gourmand. Imaginez : vous êtes dans une pâtisserie-confiserie remplie à ras bord et vous avez le droit de tout goûter. Si on a droit à tout, alors j’essaye de tout goûter ; ce serait trop bête de me limiter toute ma vie à un éclair au café. D’autant plus que les livres et internet nous donnent aujourd’hui accès à tout, et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Alors j’en profite, et je continue…
VOUS ÊTES UN PASSIONNÉ D’HISTOIRES, MAIS L’ÊTES-VOUS DONC AUSSI DE L’HISTOIRE ?
Je suis obsédé par mon métier de conteurs, mais je préférais effectivement l’histoire à la géographie au lycée ! L’histoire, elle abonde lors de la préparation de mes films : à chaque fois que j’ai un projet, je me documente énormément. Cela fait partie de mes plaisirs, et l’histoire devient alors incontournable pour comprendre une culture. C’est passionnant ; la plupart du temps, j’en trouve d’ailleurs plus que je ne cherchais. L’histoire est une source d’inspiration car elle a beaucoup d’imagination : il suffit de prendre la mesure de tout ce qu’il s’est passé en quelques millénaires ! C’est d’une richesse fondamentale.
COMMENT SE TRADUIT LE PROCESSUS D’ANIMATION CHEZ VOUS ?
Les premières étapes, celles de l’histoire dialoguée et du storyboard, s’effectuent en solitaire et dans le silence total. J’effectue le modèle des personnages et je l’anime sur le papier, à travers les vignettes du storyboard : je les dessine de face, de trois-quarts, de profil, parfois de dos, et je les colorise. Un(e) assistant(e) me rejoint ensuite pour reproduire les éléments qui ne bougent pas d’une vignette à l’autre ; cela me permet de me concentrer sur les mouvements, notamment ceux des personnages. Cette personne m’assiste également dans la création des « figurants » pour les scènes de foule, qui sont basés sur une documentation effectuée en amont. Cette étape achevée, on filme le storyboard et on le montre sur un écran, avec les dialogues d’abord prononcés par moi-même. Cela devient peu à peu du cinéma, c’est fascinant ! Une équipe commence alors à se former autour de moi ; un monteur me rejoint pour assembler les images, on enregistre les voix des acteurs en studio, puis on donne le résultat à des animateurs spécialisés. On part donc de ma solitude pour en arriver à un plateau bien fourni !
Visuels de couverture & illustration : Le Pharaon, le Sauvage et la princesse | Copyright 2022 Nord Ouest Films StudioO/Les Productions du Ch’timi/Musée du Louvre/Artémis Productions
En salles le
19 octobre 2022
19 octobre 2022