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La Dérive des continents
Europe sentimentale
Porté par Isabelle Carré, le nouveau film de Lionel Baier (Les Grandes ondes), cinéaste jusqu’ici confidentiel mais ô combien précieux, se met au diapason du drame migratoire en Europe et brille par son ton décalé.
Porté par Isabelle Carré, le nouveau film de Lionel Baier (Les Grandes ondes), cinéaste jusqu’ici confidentiel mais ô combien précieux, se met au diapason du drame migratoire en Europe et brille par son ton décalé.
Nathalie Adler (Isabelle Carré) est en mission pour l’Union Européenne en Sicile. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite d’Emmanuel Macron et Angela Merkel dans un camp de migrants. Entre les dysfonctionnements européens et les magouilles politiciennes, elle retrouve sur place son fils Albert (Théodore Pellerin), militant engagé auprès d’une ONG, qui débarque sans prévenir alors qu’il a coupé les ponts avec elle depuis des années…
Préoccupé par les tensions à l’œuvre dans une Europe fracturée à tous les niveaux, confrontée à sa propre misère et à celle des autres, Lionel Baier choisit d’aborder le sujet sous un angle corrosif. Loin du misérabilisme attendu, le résultat emprunte au contraire les chemins de la satire et filme la politique comme une vaste mascarade ; pour les représentants de l’UE, il s’agit de précisément de faire dans le misérabilisme et de conformer les migrants à l’image qu’on se fait d’eux.
C’est cette distanciation comique qui fait tout le charme et du film, par ailleurs annoncé par Lionel Baier comme le troisième volet d’une « tétralogie caustique et sentimentale » qui prend l’Europe pour cadre. Dans La Dérive des continents, celle-ci s’incarne via le drame migratoire et son instrumentalisation, vectrice de clichés racistes et symptomatique d’une forme d’incommunicabilité, derrière la façade d’une Europe pseudo-bienveillante.
UN RÉCIT À DEUX VOIES
Outre sa pertinence politique, la grande force du film est aussi de prolonger sa réflexion à une échelle intime, où une mère – campée par Isabelle Carré, toujours aussi majestueuse – tente de renouer avec le fils qu’elle a abandonné 9 ans plus tôt, avant de vivre son homosexualité auprès d’une femme allemande. Cette « famille recomposée » aux sexualités et aux nationalités disparates, condamnée à des rapports d’amour-haine, de tolérance et d’intolérance, c’est aussi l’Europe.
Comment la sauver alors ? Lionel Baier tente de formuler une réponse. Mais toujours au diapason microscopique des sentiments, de l’humain, comme le cinéma sait si bien le faire. Cet agencement inédit entre politique et intime permet ainsi au film de déplacer notre regard et, in fine, de faire naître des émotions inattendues. Le tout avec une modestie de chaque instant, laquelle est aussi la marque des films les plus réussis.
Visuels de couverture & illustration : Théodore Pellerin, Isabelle Carré – La Dérive des continents (au sud) | Copyright 2022-BANDITA-LOSANGE-4KB
24 août 2022