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Le Chêne
Interview en pleine nature
Dans ce film unique, Laurent Charbonnier, à qui l’on doit entre autres Chambord (2019) et la photographie des films de Jacques Perrin (Le peuple migrateur) ou Nicolas Vanier (Loup), mêle expertise documentaire et codes du cinéma de fiction pour scruter la faune qui gravite autour du roi des arbres. Rencontre autour de ce projet hors normes.
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Dans ce film unique, Laurent Charbonnier, à qui l’on doit entre autres Chambord (2019) et la photographie des films de Jacques Perrin (Le peuple migrateur) ou Nicolas Vanier (Loup), mêle expertise documentaire et codes du cinéma de fiction pour scruter la faune qui gravite autour du roi des arbres. Rencontre autour de ce projet hors normes.
Le Chêne - Interview en pleine nature
Il était une fois l’histoire d’un chêne vieux de 210 ans, devenu pilier en son royaume… Spectaculaire film d’aventure, Le Chêne rassemble un casting hors du commun : écureuils, balanins, geais, fourmis, mulots…. Tout ce petit monde vibrant, vrombissant et merveilleux scelle sa destinée autour de cet arbre majestueux qui les accueille, les nourrit, les protège de ses racines jusqu’à sa cime. Une ode poétique à la vie où la nature est seule à s’exprimer.
Comment le projet s’est-il transformé depuis sa genèse ?
Laurent Charbonnier : Cela remonte à 2009, année où je me suis beaucoup intéressé aux chênes du Lot-et-Garonne et d’ailleurs, mais tout s’est vraiment cristallisé lors de ma rencontre avec Michel Seydoux il y a cinq ans. Il a tout de suite été enchanté par le projet, qui s’appelait au départ L’Arbre de Noé et qui était davantage pensé comme un catalogue animalier. Michel a souhaité développer une véritable histoire autour de la biodiversité, portée par des personnages principaux et des seconds rôles. C’est ce qui a mené vers l’écriture d’un scénario et la réalisation d’un storyboard très précis, composé de 600 dessins, avant le tournage.
Parmi tous les arbres, pourquoi avoir choisi le chêne ?
C’est un arbre nourricier puisque ses glands permettent d’alimenter bon nombre de sangliers, d’écureuils, de geais, de rongeurs, etc. Dans l’imaginaire populaire, il est mythique, aussi par le fait qu’il devienne de plus en plus majestueux en vieillissant. D’un point de vue géographique, c’est un arbre qu’on connaît très bien avec Michel puisqu’on a tous deux grandi en Sologne. Très vite, Michel est passé de producteur à coréalisateur car j’ai senti que le résultat serait différent avec sa complicité ; c’est un véritable « homme de cinéma » tandis que je suis ancré dans le documentaire animalier depuis des décennies.
Comment concilier désir de fiction et exigence documentaire ?
Notre but était de réaliser un film de fiction, avec des animaux en lieu et place des acteurs traditionnels. Il faut toutefois savoir que lorsqu’il y a 15 personnes autour d’un chêne, toute la faune se cache ! L’installation de travellings, de grues ou de plateformes pour poser la caméra perturbe la biodiversité. J’ai donc passé plusieurs mois tout seul, enfermé dans ce qu’on appelle un « affût », soit une cabane en bois ou en toile d’où dépasse uniquement l’objectif de l’appareil. Il n’y a que deux trous pour les yeux. J’y suis resté de nombreuses semaines afin de filmer les animaux en toute discrétion. Lorsque l’affût est installé suffisamment à l’avance, les animaux s’y habituent et n’ont plus peur : je me souviens que l’écureuil sautait parfois dessus !
À quel point le film a-t-il été rendu possible grâce aux nouvelles technologies ?
Il est certain que nous n’aurions pas pu tout faire en pellicule. Le dernier film que j’ai tourné de cette façon est Belle et Sébastien de Nicolas Vanier (2013), ce qui n’est pas si vieux ! Cela aurait été très difficile en termes de macroscopie, que ce soit à l’intérieur des glands du chêne ou du terrier des mulots. J’ai également aimé pouvoir tourner en 8K, soit un format très haute définition qui nous a permis de zoomer à l’intérieur des images pour les grossir au besoin.
Comment avez-vous investi des espaces aussi difficiles à pénétrer que le terrier des mulots ?
Il faut remercier les nouvelles technologies et notamment un système d’endoscopie qui nous a permis d’atteindre l’intérieur des racines du chêne. Pour certaines scènes trop complexes, nous avons tourné dans des décors de terrier. Une équipe travaillait sur les insectes quand une autre se concentrait sur les mulots. Je me suis surtout occupé de filmer les écureuils, les geais, les chevreuils et tout ce qui gravite autour de l’arbre ; j’ai même passé quelques semaines sur une plateforme au-dessus du chêne afin de réaliser des images vues d’en haut.
La « sensibilisation du futur » doit-elle passer par l’expérience sensorielle ?
En 1978, j’avais vingt ans et je commençais à filmer la nature. Je me disais : « Comment se fait-il que les gens ne sachent pas ce qu’il y a dans l’étang, la haie d’à-côté ? ». J’ai été élevé dans le Loir-et-Cher, donc ce n’était pas la savane africaine (rires). J’ai d’abord filmé ce que j’avais sous la main. 44 ans après, je me fais la même réflexion bien que la question environnementale soit devenue primordiale. Comme l’a dit le directeur du Muséum national d’Histoire naturelle, il faut émerveiller pour pouvoir protéger. J’espère que ceux qui verront Le Chêne ne contempleront plus jamais un arbre de la même façon.
Le Chêne (c) Copyright 2022 – CAMERA ONE – GAUMONT – WINDS
Visuel de couverture : Laurent Charbonnier – (c) Mathilde Louveau – Camera One
En salles le
23 février 2022
23 février 2022