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Maigret
Entretien au sommet avec Patrice Leconte
Brillant touche-à-tout qui a entre autres immortalisé la troupe du Splendid dans Les Bronzés (1978) ou offert des rôles d’anthologie à Jean Rochefort et Vanessa Paradis, Patrice Leconte revient au cinéma avec l’iconique commissaire Maigret, campé par un Gérard Depardieu au firmament. Rencontre.
Brillant touche-à-tout qui a entre autres immortalisé la troupe du Splendid dans Les Bronzés (1978) ou offert des rôles d’anthologie à Jean Rochefort et Vanessa Paradis, Patrice Leconte revient au cinéma avec l’iconique commissaire Maigret, campé par un Gérard Depardieu au firmament. Rencontre.
Maigret - Entretien au sommet avec Patrice Leconte
Adapté du roman Maigret et la jeune morte de Georges Simenon, le film signé Patrice Leconte suit une enquête du célèbre policier dans le Paris des années 50. Le corps sans vie d’une jeune fille de 18 ans est retrouvé mais personne ne semble connaître la défunte. Au cours de son investigation, Maigret va pourtant faire la connaissance d’une personne qui lui ressemble étrangement…
Vous aviez déjà adapté Georges Simenon avec Monsieur Hire en 1989. Qu’est-ce qui vous fascine chez cet auteur ?
Patrice Leconte : Simenon me ramène à mon adolescence. Lorsque mes parents partaient en voyage, ma grand-mère maternelle venait nous garder à Tours et apportait beaucoup de romans Maigret avec elle. Elle en raffolait et ces livres m’ont plu immédiatement car, s’ils étaient sans doute difficiles à écrire, ils ne l’étaient pas à lire ! En les parcourant, je voyais tout, les images défilaient dans ma tête. J’ai commencé par les Maigret, puis je me suis rendu compte que Simenon avait écrit des centaines d’autres livres que j’ai dévorés. Si je n’ai jamais cessé de lire ses romans, j’avais perdu de vue les Maigret au fil du temps. Ils me sont revenus, en même temps que mes souvenirs d’adolescence, lorsque mon coscénariste Jérôme Tonnerre m’a proposé d’adapter un des romans de la saga voilà deux ans.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de revisiter la figure de Maigret ?
C’est vrai que Maigret est un peu daté ; il n’a pas d’accès à un ordinateur ni à un iPhone, pas de tests ADN… Et c’est tant mieux ! Puisqu’il ne peut pas bénéficier des techniques d’investigation modernes, il est obligé de se débrouiller avec ce qu’il maîtrise le mieux : l’humain. L’écoute des autres, le regard, les silences… Les certitudes ne l’intéressent pas. Ce n’est pas un super-héros non plus, bien qu’il en impose (rires). Son mode de fonctionnement est très empirique, il n’a de leçons à donner à personne, et c’est ce qui me touche beaucoup chez lui.
Vous avez un temps failli réaliser le « dernier film » d’Alain Delon avant que le projet ne tombe à l’eau. Ici, vous tournez avec Gérard Depardieu ; qu’est-ce qui vous intéresse dans ces acteurs mythiques du cinéma français ?
Je ne fais pas du cinéma comme si je remplissais un carnet de bal, mais c’est vrai que j’aurais été trop malheureux de ne jamais avoir collaboré avec Depardieu. Ce qu’il m’a donné sur ce film n’a pas de prix. Des journalistes m’ont demandé : « Qu’est-ce que vous lui avez fait ? On ne l’a pas vu comme ça depuis plusieurs années ». Je ne savais pas quoi répondre, si ce n’est qu’on a pris un plaisir fou à faire ce film ensemble. C’est peut-être lié au fait que je suis également cadreur sur mes films ; je suis toujours au plus près de la caméra, ce qui crée une intimité supplémentaire avec les acteurs.
Maigret est un personnage à la fois monomaniaque et intuitif. À cet endroit, qu’est-ce que vous tenez de lui ?
Je vais vous le dire franchement : je ne me rends pas bien compte de ce que je fais (rires). J’ai tout de même quelques certitudes, mais je fonctionne de façon très intuitive. Lorsque je fais un choix, je n’arrive pas à l’expliquer si ce n’est que je sens intérieurement que c’est le bon. Je n’applique pas de raisonnement intelligent ou rationnel sur ma mise en scène ; il faut que ça me plaise, en espérant que ce qui me plaît va plaire à d’autres gens (rires).
Vous avez déclaré que ce qui vous touche dans Maigret et la jeune morte, dont votre film est adapté, c’est que l’on s’intéresse davantage à la trajectoire des personnages qu’à la résolution de l’intrigue.
J’adore la démarche de Simenon dans ce livre car il s’intéresse beaucoup à la victime. Qui était cette jeune fille de 18 ans que personne ne semble connaître ? La question obsède complètement Maigret, et puis on comprend aussi que sa propre fille décédée aurait eu 18 ans lors de l’enquête. Je repense à une scène où Betty, qu’il a prise sous son aile et qui devient sa fille de substitution, dort chez lui. Le lendemain matin, en se rasant, il entend les rires échangés entre sa femme et elle, ces rires qu’il aurait aimé entendre de la bouche de sa fille. Ce sont des choses très simples qui, à titre personnel, me bouleversent.
Maigret est un film très sombre d’un point de vue scénaristique mais aussi esthétique. Comment avez-vous travaillé la photographie du film ?
Il y a une étape du travail qui me passionne : le moment où je me rends sur les décors avec mes chefs opérateur et décorateur avant le tournage. Se pose la question de savoir d’où vient la lumière. C’est un peu comme une équation à résoudre. Pour ce film-ci, qui est effectivement crépusculaire, il fallait absolument qu’on parte de l’ombre pour arriver à la lumière puisque Maigret lui-même tente de révéler les zones d’ombre des autres personnages…
Visuels de couverture & illustration : Copyright DR / Maigret 2 © CINE-@ F COMME FILM STEPHANIE BRANCHU
En salles le
23 février 2022
23 février 2022