OÙ EST ANNE FRANK !

Ari Folman, passeur de mémoire

Plus de 70 ans après la rédaction de son journal – précédant sa déportation pendant la Seconde Guerre mondiale – Anne Frank revit via l’« amie imaginaire » à laquelle était adressés ses écrits. Depuis la maison d’Amsterdam où tout a commencé, Kitty part à la recherche d’Anne mais ne la trouve nulle part, bien que son nom se trouve gravé sur les devantures de nombreux bâtiments… Dans sa quête à travers la ville, Kitty tente de redonner un souffle contemporain aux idéaux de son amie disparue.

Pas question d’une adaptation trop littérale de la vie d’Anne Frank ici. Ari Folman (Valse avec Bachir, Le Congrès), cinéaste à l’imaginaire débordant, a vu les choses en grand puisqu’il mêle les temporalités et raconte la figure historique à travers le personnage « surréaliste » de Kitty, personnification du fameux journal. Farouche, cette héroïne se fait la porte-parole contemporaine du message de tolérance véhiculé par Anne Frank, et ce dans un monde encore hanté par les fantômes du nazisme. Le réalisateur israélien, pour qui la question de la Shoah est particulièrement intime, invente ainsi un lien prodigieux entre les époques – soit l’un des enjeux du devoir de mémoire, qui permet de réactualiser les maux de l’histoire en regard du présent.

Une ode à l’imaginaire

S’il joue sur plusieurs registres émotionnels, Où est Anne Frank ! n’est jamais plombé par la noirceur ; au contraire, Ari Folman aborde son sujet avec apaisement et dignité. Les quelques scènes qui reviennent sur l’enfance tourmentée de la jeune Juive sont d’autant plus bouleversantes qu’elles se déroulent sous l’œil bienveillant de Kitty. L’imagination, qui prend littéralement vie sous la forme d’une amie, devient ainsi un puissant refuge (le seul ?) contre la barbarie du réel et un soutien de taille lorsqu’on s’engage à transcrire les horreurs du quotidien. Soutenu par un dessin au trait subtil et à l’aspect étonnamment mature, sans oublier sa musique électrisante, l’enjeu du film est moins d’attrister que de galvaniser. Voilà qui est réussi, ce petit bijou fantaisiste nous exhortant surtout à repenser le combat d’Anne Frank au présent pour, peut-être, trouver la force de créer ou d’agir comme elle l’a fait en son temps.