LES AMANTS SACRIFIÉS

Amour sur fond d’espionnage

1941. Les tensions s’aggravent entre le Japon et l’Occident. Yusaku (Issei Takahashi) vit avec sa femme Satoko (Yû Aoi) dans un confort ostentatoire, loin des conflits politiques. Lorsqu’il revient d’un voyage professionnel en Mandchourie, son attitude laisse croire à Satoko puis aux autorités locales qu’il est peut-être espion. Afin de découvrir la vérité, la jeune femme va devoir mettre son couple à l’épreuve, et ce jusqu’à risquer la trahison…

Un vrai suspense romantique

Les Amants sacrifiés scelle la collaboration inédite du prolifique Kiyoshi Kurosawa, considéré comme un maître du thriller horrifique, avec son élève autrement plus romantique Ryusuke Hamaguchi. Distingué au dernier Festival de Cannes pour Drive My Car, ce dernier est en effet le scénariste de ce conte aussi cruel que passionnel autour de deux amants emportés par le tourbillon de la guerre. Si la violence concrète du film reste hors champ, c’est dans les cœurs et les esprits qu’elle se manifeste puisqu’elle sème le trouble dans la confiance mutuelle que s’accorde un couple a priori ordinaire. En faisant le pari d’un intimisme feutré, le réalisateur se faufile jusque dans les draps et les vêtements (l’accoutrement « à l’occidentale » du couple est pointé du doigt par les autorités nationalistes) puis ausculte une très subtile mécanique de coercition et de délation pratiquée par les sphères du pouvoir. En l’occurrence, le représentant du pouvoir policier est incarné par un ancien ami de Satoko, que ses nouvelles fonctions rendent cruel et indifférent.

Moins thriller que mélo, Les Amants sacrifiés est tout entier consacré à sa figure féminine et à ce que son amour inconditionnel pour Yusaku la pousse à accomplir. Prise en étau par un dilemme terrible (il s’agit de choisir entre trahison ou collaboration), Satoko devient ainsi le pivot central du récit. Ses choix, indépendants et forts de conséquences, en font une femme de combat prête à défier son pays et à remettre en question la légitimité de la guerre… Avec une mise en scène particulièrement expressive, sublimée par une image spectrale tout en reflets et miroitements, Kiyoshi Kurosawa signe un film d’une élégance et d’une maturité exemplaires.