LA MÉTHODE WILLIAMS

Jeu, set et match

Richard Williams (Will Smith) est un afro-américain sans expérience sportive qui, peu après la naissance de ses filles Venus et Serena (incarnées respectivement par les prometteuses Saniyya Sidney et Demi Singleton), élabore pour elles un plan de carrière de 78 pages. Y est décrit l’entraînement qu’il compte leur prodiguer afin qu’elles deviennent championnes de tennis. S’attachant à la personnalité hors norme de ce père obstiné, La Méthode Williams retrace le parcours intime qui mène les deux sœurs à compter effectivement parmi les plus grandes joueuses de tous les temps.

Un beau récit d’émancipation

À tous les étages, le film de Reinaldo Marcus Green, jeune cinéaste afro-américain, s’inscrit dans la lignée de ces grands récits romanesques qui ont célébré le rêve américain. À l’exception que le self-made man, archétype états-unien de celui qui part d’en bas pour atteindre des sommets, reporte ici sa réussite sur sa progéniture. Père d’une famille recomposée de cinq filles, Richard Williams souhaite à tout prix leur garantir une réussite matérielle qui les extirpe du quartier modeste où elles grandissent. Dans le rôle de cet homme à l’acharnement presque pathologique, Will Smith brille de toute l’humanité qu’on lui connaît. Il fallait bien la drôlerie et la douceur naturelles de l’acteur pour contrebalancer l’ambiguïté du personnage, dont la « méthode » est à la fois une bénédiction et un fardeau pour ses filles, qu’il entraîne quotidiennement.

Loin de tout misérabilisme, La Méthode Williams est au contraire porté par un optimisme sans faille, comme si celui que nourrit Richard Williams, dont la confiance en l’avenir frise parfois une forme de folie, se reportait sur l’ensemble du récit. Reinaldo Marcus Green touche ainsi davantage au conte de fées qu’au drame social, embrassant la trajectoire « sans faute » de Venus et Serena dans ce qu’elle a de plus irréel. En creux, le film n’oublie pas de capter un enjeu plus universel. À travers l’ascension des sœurs Williams, et ce au prix d’une ténacité surhumaine, il met en scène l’irruption de corps noirs dans un monde a priori réservé à une élite blanche. D’où la beauté singulière de cette escalade du succès qui tient lieu de revanche, offrant son American Dream à une famille que toutes les prophéties auraient volontiers condamné à rester dans l’ombre.