L'ÉVÉNEMENT

Le corps à coeur

France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. La voilà qui se lance seule dans une course contre la montre, au mépris de la loi alors en vigueur. Les examens approchent et le ventre d’Anne s’arrondit… Adapté du roman éponyme d’Annie Ernaux, L’Événement a pour lui ce titre tout aussi effrayant qu’excitant. Un mot qui renferme entier l’enjeu du film d’Audrey Diwan : s’appartenir. Car pour Anne, il n’est guère d’atermoiement étant donné qu’une naissance signerait la mort de cet être qu’elle incarne, qui agit par et pour elle-même.

Le personnage qu’interprète Anamaria Vartolomei avec une justesse folle, prise dans sa détermination, tout à sa rage face à une société qui l’exclut avec violence, est d’une modernité inquiétante. Si l’époque est signifiée par touches, c’est justement parce que le combat qu’elle déploie – souterrain, silencieux – est tristement actuel. La sobriété du cadre, l’absence de fulgurance dans la photographie, tout comme le jeu sans drame de l’interprète principale et de ses comparses donnent toute sa puissance de frappe à L’Événement.

Partout dans le film se dit l’insupportable douleur, l’inégalité crasse, mais partout aussi se crie l’espoir d’une existence plus juste. Un film essentiel.