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SUPRÊMES
Interview du fougueux duo d’acteurs
Sandor Funtek et Théo Christine sont les ardentes révélations de Suprêmes, biopic de souffre et de bitume sur les débuts du mythique groupe de rap NTM. Encore sous le choc de l’expérience du film, ils se sont confiés à notre micro sur leurs longs mois de préparation.
Sandor Funtek et Théo Christine sont les ardentes révélations de Suprêmes, biopic de souffre et de bitume sur les débuts du mythique groupe de rap NTM. Encore sous le choc de l’expérience du film, ils se sont confiés à notre micro sur leurs longs mois de préparation.
En 1989, Didier Morville – alias JoeyStarr – et Bruno Lopes – alias Kool Shen – sont membres d’un collectif hip-hop dans une cité du 93 et cherchent à exprimer leur spleen via la pratique artistique. Danseurs et graffeurs, ils ne tardent pas à écrire des textes survoltés et à improviser des concerts ultra nerveux dans les alentours jusqu’à attirer l’attention d’un producteur de musique. La machine NTM est lancée et la naissance du rap français avec… Rencontre avec Sandor Funtek, acteur franco-hongrois aperçu chez Abdellatif Kechiche ou Jacques Audiard, et Théo Christine, révélé par la série Skam. Les deux comédiens incarnent respectivement Kool Shen et JoeyStarr dans Suprêmes, cinquième long métrage d’Audrey Estrougo (Toi, moi et les autres, La Taularde…)
Diriez-vous que le projet est venu à vous ou bien l’inverse ?
Sandor Funtek : Il faut savoir que nous sommes déjà comédiens à la base mais ce qui est drôle, c’est que nous avons tous les deux découvert l’annonce de casting sur Facebook. Nous avons candidaté comme deux mecs lambda qui postuleraient à un casting sauvage (rires).
Théo Christine : Le processus a duré presque six mois ! J’ai rencontré Sandor lors de la dernière étape ; nous étions dans un grand théâtre avec dix comédiens. Il y avait cinq prétendants pour JoeyStarr et cinq pour Kool Shen ; on a passé une semaine ensemble à faire des freestyles, de la danse, des ateliers, des impros, etc. pour qu’Audrey Estrougo, la réalisatrice, puisse avoir une vue d’ensemble. À la fin, il était prévu que chacun performe en binôme sur Seine Saint-Denis Style, un rap culte de NTM, et Audrey nous a fait repasser exceptionnellement après tout le monde… Là, on s’est dit qu’il se passait quelque chose et l’impression s’est confirmé.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans Suprêmes ?
Sandor Funtek : Même si tu ne connais pas NTM, tu connais quand même le groupe indirectement. On savait qu’on s’attaquait à quelque chose d’important. On a lu le scénario dans un deuxième temps et il nous a conforté dans l’idée qu’il s’agissait d’un film finalement très actuel…
Théo Christine : Il y a une vraie résonance sociale au-delà des paillettes et des projecteurs, c’est vrai. Moi qui ai fait des séries « teen » très grand public auparavant, j’avais vraiment envie de m’investir dans un projet plus ambitieux. Après avoir lu le scénario, je me suis dit : « Ça y est. »
« Il y a une vraie résonance sociale au-delà des paillettes et des projecteurs. »
Que vous évoquait le groupe NTM avant de vous engager sur le film ?
Sandor Funtek : Quand j’étais gosse, ma mère me faisait écouter beaucoup de rap, de hip-hop, de soul… J’ai été plongé dans la black music très tôt. J’avais observé les interventions médiatiques de NTM à l’époque et c’est la première fois que je voyais des mecs qui nous représentaient, qui parlaient vrai, qui avaient cette allure à la fois sulfureuse et sexy… J’ai compris pourquoi NTM était NTM. Ce n’est pas qu’une histoire musicale.
Avez-vous découvert ou redécouvert le groupe au moment de la préparation ?
Sandor Funtek : Les deux, dans le sens où les premiers albums nous étaient un peu étrangers. On s’est replongés dans une époque, une manière de parler, de bouger, de danser… On a eu près d’un an et demi pour se préparer, avec l’idée qu’il fallait que personne ne puisse déclarer à la sortie : « Ce n’est pas NTM. »
Quels conseils vous ont donné les vrais JoeyStarr et Kool Shen ?
Sandor Funtek : En répétitions, ils ont surtout cherché à corriger certains détails dans la gestuelle scénique. C’était une première pour tout le monde car NTM n’a jamais fait son autodiagnostic avant qu’on ait besoin de faire un film sur eux. Quelque part, ils apprenaient eux-mêmes à être NTM (rires). Je me souviens de quelques conseils : ils nous ont dit d’être toujours en mouvement ou de se mettre la main sur l’épaule, des trucs d’entraide qui marchent comme des codes chez eux.
Théo Christine : On est partis trois jours avec eux à Bruxelles, ce qui nous a permis de les analyser. Rien que le fait d’observer JoeyStarr est formateur : c’est un showman, il est libre, il fait ce qu’il veut et se fout complètement de ce que pensent les autres.
Vous rappez vous-mêmes avec une énergie démentielle, or JoeyStarr a déclaré dans une interview que vous n’étiez ni musiciens ni rappeurs à l’origine…
Sandor Funtek : On a répété pendant un an et demi pour tout apprendre. Ça ne me revient que maintenant mais, à la base, il faut bien noter qu’ils n’étaient pas rappeurs non plus ! D’une certaine manière, ils ont embrassé un mouvement qui les a dépassés, ils ont bossé et se sont professionnalisé sur le tas. Exactement comme nous, finalement.
Théo Christine : Dans le film, on voit bien qu’ils ne sont pas rappeurs au début. Ils ne passent pas leur temps à écrire des textes. Pour nous, c’était pareil. On nous a dit : « Maintenant, vous allez rapper. Vous avez six mois. »
Lorsque vous commencez à écrire vos textes dans le film, les scènes donnent un vrai sentiment d’improvisation. C’était le cas ?
Sandor Funtek : Oui, totalement. La scène où l’on se met à inventer un texte en se répondant l’un l’autre était plus ou moins écrite au début mais on a compris qu’il fallait fonctionner différemment. On a dit à Audrey : « Démarre la voiture, installe-nous les sièges, on se met dans la bagnole et quand on commence à piloter, laisse-nous faire. » Tourner cette séquence a créé une complicité dingue entre nous. Normalement il y a une méthode par acteur mais, nous deux, on s’est calqués sur la même. On a tellement bossé ensemble qu’ensuite on pouvait improviser à deux sans problème.
Physiquement, les scènes de concert sont très animales…
Théo Christine : Je suis passé par le théâtre et, un jour, on avait eu à jouer cette tragédie grecque appelée L’Orestie. Lorsqu’on entre en scène, on nous dit souvent qu’il faut être prêt à y mourir. Là, c’était pareil !
Quel plus beau souvenir gardez-vous de ces scènes ?
Sandor Funtek : Je me souviens qu’au bout d’une semaine de tournage, on a tourné la dernière scène de concert du film. Pour nous, c’était la toute première ! Théo devait prononcer un discours seul sur scène. Depuis le début, j’étais plongé dans toutes les séquences mais ici, j’étais en coulisses. Voir une image du film pour la première fois m’a ému aux larmes. C’est un souvenir très fort.
24 novembre 2021