ALBATROS

Le bel envol de Xavier Beauvois

Commandant de brigade de la gendarmerie d’Étretat, Laurent (Jérémie Renier) vient de demander sa compagne en mariage après 10 ans de vie commune. Le quotidien de cet homme sans histoire est pourtant ponctué par une confrontation quotidienne avec la misère sociale qui règne dans la région. Un jour, alors qu’il tente de secourir un agriculteur en passe de se suicider, Laurent le tue accidentellement. Sa vie bascule.

C’est en parcourant un article sur un agriculteur déprimé qui avait pris la fuite et foncé sur des policiers en voiture avant d’être abattu que Xavier Beauvois a imaginé l’histoire de Laurent, ce gendarme qu’il nous présente sous un jour relativement agréable. Juste et réfléchi, il possède tous les traits du héros tranquille dont l’existence va être malmenée, comme en contrepoint à sa droiture.

Un portrait amené avec soin par le réalisateur, jalonné des zones d’ombre subtiles qui donnaient déjà sa qualité au Petit lieutenant (2005) et des lumières si particulières de la région, capturées par l’œil de Julien Hirsch, directeur de la photographie.

AU PLUS PRÈS DU RÉEL

Mais l’endroit où Xavier Beauvois excelle véritablement, c’est dans l’observation presque documentaire et sociologique du quotidien d’une gendarmerie. Le cinéaste – qui réside en Normandie – connaît bien Étretat, ses gendarmes et les agriculteurs qui travaillent dans la région. Dans les échanges tantôt triviaux tantôt profonds de la brigade transparait la difficulté du métier, la volonté de protéger et d’accompagner, tout comme les errances et questionnements d’hommes et de femmes qui gèrent suicides, agressions sexuelles, drames familiaux, opération de déminage et autres cas de figure complexes.

Albatros s’appuie, à ce titre, sur le talent incontestable de Jérémie Renier mais aussi d’acteurs non professionnels, comme Olivier Pequery qui interprète un ancien élément de la brigade, et Geoffroy Sery dans le rôle de l’agriculteur abattu par Laurent. Des profils qui soulignent une volonté de Xavier Beauvois de ne pas trahir la réalité contrastée de ces métiers souvent mal compris. De leur jeu criant de vérité, Iris Bry (Les Gardiennes) et Marie-Julie Maille – connue pour son travail de monteuse – viennent par ailleurs insuffler un autre degré de réel à ce film immersif très réussi.