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PINGOUIN & GOÉLAND
L’hommage de Michel Leclerc à sa mère
Pingouin & Goéland et leurs 500 petits n’est pas un film animalier mais le titre de l’émouvant documentaire signé Michel Leclerc (Le Nom des gens, La Lutte des classes) sur l’admirable combat des militants Yvonne et Roger Hagnauer, créateurs d’un refuge pour enfants à Sèvres sous l’Occupation. Rencontre avec le réalisateur, dont la mère fut cachée par le couple.
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Pingouin & Goéland et leurs 500 petits n’est pas un film animalier mais le titre de l’émouvant documentaire signé Michel Leclerc (Le Nom des gens, La Lutte des classes) sur l’admirable combat des militants Yvonne et Roger Hagnauer, créateurs d’un refuge pour enfants à Sèvres sous l’Occupation. Rencontre avec le réalisateur, dont la mère fut cachée par le couple.
PINGOUIN & GOÉLAND - L’hommage de Michel Leclerc à sa mère - ILLIMITÉ
Quelle place a pour vous la question de l’héritage familial ?
Michel Leclerc : J’ai compris assez tôt la nature singulière de la relation entre ma mère et le couple Hagnauer, que j’ai connu pendant environ vingt ans. En vérité, je me suis rapidement convaincu que j’aurais à raconter cette histoire un jour. Bien avant de réaliser des longs métrages de fiction, lorsque j’avais vingt-cinq ans, j’étais allé me renseigner à l’INA quant à la possibilité de récupérer des archives. Il m’aura finalement fallu tout ce temps pour savoir comment faire ce film !
Pensez-vous que cet héritage a participé de votre vocation de cinéaste ?
Aujourd’hui, je le pense. C’est lié à l’éducation de ma mère qui, par transitivité, m’a affecté aussi. Elle est devenue prof de maths, en sachant que Goéland tenait à ce que les enfants – et surtout les filles – fassent des études pour être indépendants. Elle a bénéficié d’une vraie ouverture au monde (elle adorait le cinéma, le théâtre, le music-hall…) ; on a encouragé sa curiosité et son esprit d’initiative. Il y a aussi cette notion de fabrication : à la maison de Sèvres, ils faisaient tout avec peu de moyens. Ils fabriquaient des instruments de musique avec du bois. J’ai vu la série documentaire Montre jamais ça à personne de Clément Cotentin et Christophe Offenstein sur les débuts d’Orelsan – l’idole de mes enfants –, et j’ai adoré ; lui aussi était dans la fabrication. De la même façon, j’ai fait des films dès que j’ai pu me procurer une caméra. C’est l’esprit de Sèvres.
« J’avais envie de faire résonner les époques avec humour »
Vous ne vous étiez pas intéressé au format documentaire depuis longtemps. C’est un désir que vous nourrissiez ?
Disons que j’ai trouvé mon moyen d’expression à travers la fiction : ce que j’aime, c’est la comédie. Il me semblait toutefois difficile de raconter l’histoire de Pingouin et Goéland à travers ce mode de narration. Je préfère écrire des histoires d’antihéros, or je ne voulais pas réaliser une fiction qui aurait été trop édifiante, trop pompeuse dans sa vision, d’autant plus que les amies de ma mère sont trop précieuses pour être remplacées par des comédiennes ! Tout cela m’a convaincu que je devais réaliser un documentaire, quitte à ce que quelqu’un d’autre s’en empare plus tard…
Photo Pingouin & Goéland et leurs 500 petits | Copyright Sophie Dulac Distribution
On sent que vous avez voulu éviter à tout prix une forme d’académisme…
Le mot « académique » convient très bien car la maison de Sèvres était précisément non-académique (rires). Faire un film académique aurait été un contresens total. Il fallait que le résultat soit à leur image : iconoclaste, mal peigné, bordélique, voire un peu provocateur… le tout en faisant ressortir la ligne claire de leurs convictions et de leur itinéraire qui, malgré les apparences, ont quelque chose de parfaitement logique. Pour donner à voir cette cohérence sur le long terme, c’était très important de raconter toute l’histoire et pas seulement la période de la guerre.
Vous vous adressez parfois directement au spectateur, dans des vignettes qui vous mettent en scène en salle de montage. Pourquoi ce choix ?
J’ai mis du temps à trouver le ton juste, jusqu’à ce que je comprenne que le film se devait d’être subjectif. Je ne suis ni journaliste ni historien, il fallait donc que j’établisse un lien entre cette histoire et la mienne, que je « n’hésite pas à être hésitant » lorsque j’avais des doutes sur l’interprétation des événements. Dans ce cas de figure, je pouvais me permettre d’être dans la subjectivité ; j’avais envie de faire résonner les époques, notamment sur les questions mémorielles et identitaires, et si possible avec humour. Cela passe par mes interventions à l’iPhone, que je ne pensais pas laisser sur le montage final au départ. Avec le recul, je me suis dit que ce format d’image caractérisait bien notre époque et venait compléter la dimension patchwork du film, qui mêle des tas de supports différents.
Photo Pingouin & Goéland et leurs 500 petits | Copyright Sophie Dulac Distribution
Quelques scènes sont animées par le réalisateur Sébastien Laudenbach. Qu’est-ce qui vous semblait pertinent dans son trait ?
J’ai souhaité retranscrire certaines images mentales qui me hantaient depuis toujours, avec ma mère petite. Je ne voyais pas comment les matérialiser autrement qu’en animation. Pendant la préparation du film, j’ai entendu une interview du mime Marceau qui m’a bouleversé puisque j’y découvrais quelque chose de ma propre histoire ; je me suis dit que c’était porteur de poésie dans un monde menaçant. J’ai donc demandé à Sébastien Laudenbach, qui est un ami proche, d’y réfléchir… Son dessin est très gracieux.
Auriez-vous aimé être élevé dans la maison de Sèvres ?
J’ai toujours adoré les copines de ma mère, et je peux dire que j’enviais quelque chose chez elles. Maintenant, j’ai vécu autre chose ; une vie très protégée, tranquille, isolée dans un petit bled. C’était bien aussi, même si j’ai conscience que mon enfance a été plus terne. Je pense que cela m’a aidé à devenir celui qui raconte les histoires des autres puisque, finalement, je n’ai pas d’histoire à moi très intéressante à raconter. J’ai occupé cette place-là très tôt. Ceux qui sont pris dans le flot de l’histoire ne sont généralement pas ceux qui la racontent.
Photo de couverture : Michel Leclerc | Copyright Matias Indjic
En salles le
03 novembre 2021
03 novembre 2021