Le Petit Nicolas

Eternel héros de cinéma

Au milieu des années 1950, le scénariste de bande dessinée et écrivain René Goscinny s’associe au dessinateur Jean-Jacques Sempé. Ensemble, ils imaginent les aventures d’un enfant nommé le Petit Nicolas, dont la vie quotidienne se partage entre la cour de récré et le souper familial. Mais ce petit garçon n’est pas comme les autres, ou presque : d’une malice à toute épreuve, il entraîne ses chouettes copains aux noms pas croyables (Alceste, Rufus, Agnan, Clotaire…) dans des aventures rocambolesques. Ses journées se terminent chez « Papa » et « Maman », ses parents aimants dont les disputes ménagères sont aussi un drôle de reflet de l’époque.

L’enfance des cinéastes

Les pérégrinations du Petit Nicolas allient un humour imparable à une touche de mélancolie proustienne, sans oublier une pointe de satire. Jusqu’en 1965, date à laquelle Goscinny prend congé du personnage, ses histoires connaissent ainsi un franc succès populaire. Au total, en inventant une histoire tous les dimanches, le duo de génie en écrit 222 en sept ans. Dès 1964, un programme télévisé inspiré de la série, Tous les enfants du monde, réunit Michael Lonsdale et Bernadette Lafont dans le rôle des parents du Petit Nicolas.

Il faut dire que le monde pittoresque de l’enfance, voisin de celui de l’école, fascine depuis toujours les cinéastes : en 1933, Jean Vigo réalise Zéro de conduite, où de jeunes collégiens se rebellent dans un pensionnat de province. Censuré jusqu’en 1946 car considéré comme un « violent pamphlet libertaire », le film se joue de l’insouciance juvénile et de ce qu’elle a de merveilleux. Ainsi, une simple bataille de polochons dans un dortoir se transforme en stupéfiant ballet. Puis c’est au tour de François Truffaut de réaliser « son » Petit Nicolas avec Les Quatre cents coups en 1959, où l’on suit le quotidien du cancre Antoine Doinel. Si le héros a une vie familiale bien plus sombre que celle de son homologue illustré, la même atmosphère de douce insurrection sur les bancs de l’école s’invite à l’écran. Les deux garçons ont en commun leur intarissable inventivité, surtout lorsqu’il s’agit de ne pas travailler…

Une saga immortelle

Si de nombreux films centrés sur l’enfance ont vu le jour depuis, force est de constater que l’univers très sixties du Petit Nicolas ne s’est jamais démodé. La preuve : à l’occasion des 50 ans de sa création, en 2009, une série d’animation et un film ont vu le jour. Ce dernier, réalisé par Laurent Tirard (Un Homme à la hauteur, Le Discours), a remis sur le devant de la scène l’univers imaginé par Goscinny et Sempé. Le cinéaste a même poursuivi sur sa lancée, signant Les Vacances du Petit Nicolas en 2014. On le comprend : puisqu’il est désormais si loin du nôtre, l’univers de l’écolier est d’autant plus fantaisiste et délicieusement rétro. De quoi en faire un formidable matériau d’adaptation, le réalisateur s’étant inspiré d’ambiances visuelles aussi créatives que celles de Jacques Tati ou Wes Anderson. Un travail poursuivi par Julien Rappeneau, fils de Jean-Paul, avec Le Trésor du Petit Nicolas, actuellement en salles.

Différence de taille, néanmoins, pour ce film puisqu’il s’agit cette fois d’une œuvre originale, sa trame n’étant pas tirée des livres existants. L’occasion d’insuffler un vent nouveau sur la saga, sans la dénaturer : aussi délicat que les précédents, le film reste fidèle à l’humour espiègle de ses auteurs comme au contexte des Trente Glorieuses. Audrey Lamy s’en donne d’ailleurs à cœur joie dans un rôle de ménagère au brushing impeccable. On y épouse l’inquiétude du Petit Nicolas quant à un déménagement imminent, son père ayant été promu ailleurs. Loin de se dégonfler, le garçon va tout faire pour ne pas avoir à quitter ses copains… jusqu’à embarquer sa classe dans une mystérieuse chasse au trésor. Décidément, Nicolas ne fait rien que des bêtises… et nous y entraîne volontiers.