AFTER LOVE

Une fable étonnante sur le poids du secret

Peut-on partager sa vie sans partager ses zones d’ombre ? Cette vertigineuse question ouvre After Love, variation inattendue autour du secret et de ce qu’il a d’impénétrable, jusque dans le couple. Mary Hussain (Joanna Scanlan), une Anglaise vivant sur la côte Sud du pays, vient de perdre son mari Ahmed et découvre à cette occasion qu’il menait une double vie avec Geneviève (Nathalie Richard), une Française de Calais.

Mary se met en tête de rencontrer cette femme pour lui annoncer le décès. Là-bas, elles noueront finalement une mystérieuse relation, faite de non-dits et de rapports de pouvoir… Joanna Scanlan est extraordinaire de dignité et d’émotion contenues, crevant l’écran de sa douleur muette.

L’Anglais Aleem Khan, 36 ans, s’est inspiré de la double culture de ses propres parents (à l’image du personnage de Mary, sa mère s’est convertie à l’islam) pour imaginer son récit. En épousant le point de vue de celle qui n’était précisément pas « dans le secret » de la double vie de son défunt mari, After Love a l’ampleur des grandes tragédies et de leurs questionnements à la fois intimes et universels. L’importance des éléments naturels, entre l’immense falaise qui longe la maison de l’héroïne et l’océan capricieux qui la sépare de Geneviève, finit de lui donner des allures de véritable odyssée.

Pas de désir de vengeance ici, plutôt un besoin de compréhension ; il faut se guérir pour pouvoir pardonner. Si différentes et pourtant aimées par le même homme, les deux femmes vont finir par nouer un lien de proximité surprenant.

Aleem Khan a choisi la voie d’un récit superbement épuré. Secret oblige, sa mécanique fonctionne sur le mode de la suggestion, assumée par une mise en scène ténébreuse. Pour explorer notre propre façon de s’arranger avec nos secrets – quitte à risquer la catastrophe.